MÉLUSINE

Paul Sanda, Cinéma, poésie & merveilleux

16 avril 2024

Paul Sanda, Cinéma, poésie & merveilleux : évocation, images & surréalisme, avec des peintures de Françoise Segonds,
tirage limité à 200 exemplaires numérotés de 1 à 200, Collection Art Artistes, Éditions Rafael de Surtis, 2024.

Ce bref mais dense ouvrage est publié à l'occasion de l'exposition Cinéma, poésie & merveilleux, au Musée d'Art Moderne Yves Brayer de Cordes-sur-Ciel du 15 mars au 13 mai 2024, en hommage au Centenaire du Manifeste du Surréalisme (1924-2024). La médiathèque du pays cordais s’associe à l’exposition « Cinéma, poésie & merveilleux » qui se tient jusqu’au 12 mai prochain au Musée d’Art Moderne de Cordes-sur-Ciel. Il s’agit d’une plongée dans le 7ème art à travers une création originale composée des peintures de Françoise Segonds, au nombre de douze (chaque commentaire est accompagné en vis-à-vis d'une peinture de Françoise Segonds) et des textes de Paul Sanda. C’est un voyage autour des grands noms du cinéma, mais aussi autour du cinéma noir des années 1930-1950. Partenaire du musée, la médiathèque présente, en complément de cette exposition, une sélection de films qui ont inspiré le travail des artistes. Des livres et des bandes dessinées enrichissent cette documentation que les usagers peuvent emprunter. Vous êtes invités à voir ou revoir les films de Wim Wenders, Kieslowski, Kubrick, Murnau ou encore Gus Van Sant et bien d’autres, et ainsi découvrir la thématique cinématographique proposée par les artistes (La Dépêche).

Ado Kykou écrivait en 1953 que le cinéma « est d'essence surréaliste ». Il entendait par là : « moyen d'expression plus complet, plus riche, plus libre que tous les autres » et il estimait que « cela n'a absolument aucun rapport avec l'Art (A majuscule), ni avec la Technique (T majuscule), ni avec les prêches ou le commerce, ni avec les danses hawaïennes » etc. (Le Surréalisme au cinéma). « Ô mystères sculptés de Fernando Arrabal ; ah… oui, invraisemblable festin cannibale des malédictions et des blasphèmes, puisque bientôt tout disparaîtra… ». Ainsi s'exclame Paul Sanda dans son commentaire intitulé « Le cheval visionnaire de Fernando Arrabal », à propos du film de ce dernier : J'irai comme un cheval fou (1973). La réflexion (commentaire) « Sur les quais incertains (& sensibles) de Prévert » commence par le propos de Noël Herpe : « La première période de Prévert, c'est une période qu'on pourrait qualifier de post-surréaliste avec une tendance anarchiste », lequel poursuit : « Ce sont des films qui jouent sur les absurdités du langage, sur les aliénations du langage en fait », tout en mentionnant Drôle de drame, Le Quai des brumes, Les Visiteurs du soir. Jean Tulard voit en Fritz Lang « le plus grand réalisateur allemand ». Il note dans le commentaire intitulé « L'accusation allemande de Fritz Lang » que M le Maudit (1931) offre une « évocation hallucinante du monde de la pègre ». Qu'en est-il maintenant de « La marge surréaliste de Jacques B. Brunius » ? Sur ce poète réalisateur de courts métrages, pour Paul Sanda « si important, si précurseur », Jean-Pierre Pagliano choisit d'affirmer que « chaque film était pour lui l'occasion de risquer une idée ». Que pense Paul Sanda de « Nosferatu, le spectre surréel de Murnau » (Nosferatu le Vampire, 1922) ? Ne soyons pas étonnés. Il y voit « le souvenir d'une âme errante captant l'essence de la nature même de la palpitation… ». S'agissant du « Mystère énigmatique du château Man Ray » (L'Étoile de mer, Le Mystère du château de Dés), Paul Sanda remarque surtout la caméra « qui se contracte, contrôle & se perd, échappe dans les ajournements de la conformité ». Vient ensuite « Le chien du regrettable rêve, révolte de Buñuel ». À propos du Chien andalou. Ado Kyrou nous rappelle que « présenté pour la première fois au Vieux-Colombier, cette bombe risquait d'être mal interprétée parce qu'elle était entourée de films d' “ avant-garde ”. Pourtant une force nouvelle déroulait l'écran noir qui venait s'étendre sur les spectateurs. » Paul Sanda en tire, si l'on peut dire, la leçon : « Le surréalisme provoque l'ossature, la raison anthropologique, liquéfiée, assaillie, pâlissante & puis, enfin annihilée ; & puis l'œil… qui va s'esquiver dans les désordres… ». Venons en à présent à « L'Extase fondatrice de Walerian Borowczyk » (Cérémonie d'amour, Histoire d'un péché). Pour Paul Sanda Walerian Borowczyk  est à l'atmosphère la plus brutale, la plus oblique, de ce qu'un rosaire d'amour, dans l'érotisme le plus somptueux, prolongera… ». Guillermo del Toro marque sa reconnaissance à Nicolas Roeg qui lui a fait comprendre « que, grâce au montage, il était possible de juxtaposer des événements, des petits faits apparemment sans relation entre eux, et de créer ainsi un sentiment d'hyperréalisme ; cela m'a beaucoup influencé » (« Dans les dédales étouffés de Nicolas Roeg »). Lorsqu'on arrive à « Alexandre Nevski, l'épopée abstraite d'Eisenstein » (Alexandre Nevski, 1938), c'est Sergueï Eisenstein lui-même qu'il convient de citer : « Il s'agit de réaliser une série d'images composées de telle sorte qu'elle provoque un mouvement affectif qui éveille à son tour une série d'idées. De l'image au sentiment, du sentiment à la thèse… Je pense que seul le cinéma est capable de faire cette grande synthèse, de rendre à l'élément intellectuel ses sources vitales, concrètes et émotionnelles ». Le dernier mot revient à Paul Sanda qui écrit dans sa postface : « Quand Adonis Kyrou écrivait en 1953 : “ Guidé par l'esprit surréaliste, le cinéma doit se renverser, se nier pour mieux retrouver sa puissance flamboyante, offrir le spectacle total de ce qui est pour mieux nous projeter dans la vie totale ”, il croyait à la surréalité libre et de signe ascendant. La “ Société du spectacle ” semble, hélas, lui avoir donné tort. » « Comment le cinéma, devenu machine à fabriquer du divertissement pour les masses, à partir de sommes d'argent colossales, pourrait-il encore faire se rejoindre l'ardeur et le rêve dans une union magique qui donnerait à nouveau sens et naissance à la vie véritable, celle de la voie d'éveil et d'élévation poétique qui, seule, peut ouvrir authentiquement les portes essentielles ? […] Il est temps de revenir aux fondamentaux, aux expérimentations, de Man Ray à Buñuel, de Nicolas Roeg à Fernando Arrabal ».