MÉLUSINE

Énigmes...

Pardon de découvrir à retardement, – au rayon des « astu » que vous m’avez réinvité à consulter –, l’article (d’ailleurs non daté) de Nelly Feuerhahn, « Pierre l’Ébouriffé : l’énigme d’une figure surréaliste ».

Puisqu’il est question d’énigme, une source de ce Struwwelpeter semble avoir été négligée, qui n’est pourtant pas d’origine indifférente : elle vient du « poète des chloroses » chanté par Baudelaire, à savoir Gavarni..., auteur d’un dessin publicitaire paru dans La Caricature, 22 mars 1840, sous le titre « Un enfant terrible » et avec la légende suivante : « ...Qu’on a eu l’imprudence de laisser jouer avec un pot de Pommade de Lion ».

Notre auteur passe ensuite un peu vite sur la lecture qu’a faite le psychanalyste Georg Groddeck de ce dit « livre pour enfants » et qu’il considère comme un « quatrième manuel de psychanalyse ». Le texte, recomposé par l’éditeur allemand à partir des manuscrits de ses conférences, et datable entre 1918 et 1927, ne fait, dans l’édition française Gallimard parue en 1969, pas moins de 17 pages (pp. 201-217). Ici, une ligne et demie.

Le traducteur, Roger Lewinter, précise ensuite (p. 311) les bizarreries, aboutissant souvent à des contre-sens, de l’« adaptation » française. Nous ne pouvons mieux faire que de reprendre son avertissement :

« Il existe une adaptation française du Struwwelpeter [1 ère éd. frçse, Paris, Louis Hachette, 1860], mais elle présente de nombreuses différences d’avec l'original allemand, et parfois même des inversions de dessins (cf. l'Histoire des allumettes, Pierre l' Ébouriffé, etc.), qui contredisent le sens même de l’ouvrage tel que le dégage Groddeck. / Ce que nous proposons ici [p. 311-316], ce n’est donc pas une adaptation qui tâche de rendre en français les vers de mirliton, mais une traduction mot à mot qui suit fidèlement l’ordre des vers allemands et respecte le caractère singulièrement désuet et adulte du texte, en contraste absolu avec la violence enfantine des images. »

Une référence bibliographique, absente du recensement de Nelly Feuerhahn, lui aurait évité ces manquements : Boris Eizykman, Der Struwwelpeter, Paris, Éditions Phot’œil, 1979, qui comporte : 1. une préface de Sigrid Metken (p. 7-15), laquelle souligne la référence à Gavarni ; 2. l’édition remise en ordre par Roger Lewinter de Pierre l’Ébouriffé (p. 17-46) ; 3. une fort subtile analyse de Boris Eizykman (p. 47-96) – qui débat avec Groddeck –, pour se conclure avec la préface du Dr Hoffmann pour la 100 ème édition de l’ouvrage en 1876 (p. 97-100). Rappelons, anecdotiquement, que ce classique de la littérature « pour enfants » atteignait en 1980 les 25 millions d’exemplaires vendus...

Ce qui m’a fait revisiter ce texte, c’est qu’il sera peut-être possible de vous offrir, si les ayants droit donnent leur accord, une traduction du – inédit en langue française à ce jour– Struwwelhitler, pamphlet anti-nazi de deux illustrateurs anglais, Robert et Philip Spence, paru à Londres en 1941, et parodie non dissimulée de notre classique mondial.

Puisque Nelly Feuerhahn conclut avec Nadja, nous croyons pouvoir résoudre une dernière énigme. Nadja... “qu’est-elle ?” » : Il ne s’agit ni de magie pas plus que de dessin automatique, mais, sinon de la copie quasi directe, de la remémoration d’une publicité des établissements Gaumont, réalisée pour le lancement du film Les Vampires de Louis Feuillade en novembre 1915 (affiche signée Harford), et à la gloire de Musidora, saluée la même année, comme on le sait, avec le Trésor des jésuites...


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