MÉLUSINE

Tracts surréalistes, Tome I, 1937


1937

[DISCOURS D'ANDRÉ BRETON À PROPOS DU SECOND PROCÈS DE MOSCOU]

Paris, le 16 janvier 1937

CAMARADES,

Plus de lumière ! « Mehr Licht », tel a été le dernier cri de Goethe ; « plus de conscience ! » tel a été le grand mot d'ordre de Marx. En fait de lumière, avec Staline nous pouvons compter sur celle des procès en sorcellerie du Moyen Age : il faut entrer dans le détail de ces procès - et le prolétariat n'en a pas le loisir - pour trouver un équivalent de l'atmosphère de celui qui s'est déroulé en août dernier, de celui qui se déroule actuellement à Moscou. Et on nous laisse bien entendre que ce n'est pas fini ! En fait de lumière, celle d'un escalier de prison qu'on vous fera descendre à quatre heures du matin, d'un escalier bordé de rigoles comme une table d'amphitéâtre, où, à telle marche, vous recevrez une balle dans la nuque. Les rigoles, c'est pour la cervelle, pour la conscience mais rien ne pourra faire que les vieux compagnons de Lénine n'aient représenté un haut degré de conscience que seront impuissantes à emporter les chasses d'eau modèles des prisons de la Guépéou. Ces hommes qui ont donné mainte et mainte preuve de leur lucidité, de leur désintéressement, de leur dévouement à une cause qui est celle de l'humanité tout entière, l'histoire se refusera à voir en eux des « possédés » au vieux sens religieux du mot comme, à plus forte raison, elle se refusera à tenir Léon Trotsky pour une incarnation du diable au XXe siècle. Le malheur, hier, de Smirnov, de Zinoviev, de Kamenev, aujourd'hui de Radek, de Piatakov, de Sokolnikov, de Serebriakov, demain de Boukharine, de Rakovsky aura cependant été, sur ce point, de faire trop grande confiance à l'histoire, de croire que l'énormité, que l'invraisemblance même des forfaits qu'on leur demandait de reconnaître entraînerait nécessairement l'incrédulité totale, tournerait à la confusion de leur accusateur. Il semble que ce soit de l'excès même de la honte dont ils se couvrent qu'ils attendent qu'un doute radical surgisse à leur profit dans l'opinion. Kamenev ne cessait de surenchérir sur les appréciations du procureur général à son sujet. On nous contait hier que Radek, tout en s'accusant de terrorisme, d'espionnage, de sabotage - que sais-je encore ! - trouvait encore moyen de faire de l'esprit. Mais voyons, camarades, est-ce là l'attitude d'un homme qui sait qu'il va mourir demain déshonoré ? Non, les accusés du second procès comme ceux du premier sont persuadés qu'ils participent à une mise en scène : il suffit pour cela qu'ils aient été mis au secret le jour du premier verdict. Tout le monde s'accorde à admettre - les staliniens eux-mêmes n'y contredisent pas - qu'ils ne doutent pas plus que les précédents d'avoir la vie sauve, c'est-à-dire d'être en mesure de se justifier un jour. Ils ne s'attendent pas à être abattus un à un dans l'escalier de ciment. Un romancier français a précisément imaginé, en supplément à ceux de l'Inquisition, ce supplice plus cruel, plus odieux que tous les autres ; il l'a appelé « la torture par l'espérance ».

Et cette action rocambolesque, où le puéril le dispute à l'atroce, ne peut même passer pour avoir son épilogue dans l'enceinte du tribunal militaire de Moscou. Elle abonde constamment en péripéties nouvelles dont le déroulement déborde un peu plus chaque jour le cadre de l'U.R.S.S. : c'est le vol de la rue Michelet, c'est l'assassinat de Navachine. Il est clair qu'on ne recule devant rien pour faire disparaître les pièces comme les hommes, et avec eux tout ce qui pourrait contribuer à rendre manifeste le plus formidable déni de justice de tous les temps, tout ce qui pourrait démasquer le terrorisme et l'impérialisme de Staline. Camarades, c'est là un climat mortel pour la pensée socialiste elle-même, pour toute l'action révolutionnaire dans le monde. Rien ne doit nous trouver moins indifférents, moins désarmés même devant l'énigme terrible des prétendus aveux. La pensée socialiste ne serait plus rien du jour où elle accepterait de faire bon marché de la dignité humaine, du jour où on l'amènerait à convenir qu'elle est appelée généralement à se trahir et à se nier chez les hommes qui l'ont portée le plus haut. N'oublions pas que Marat, qui vécut si pauvre, fut accusé longtemps de s'être vendu ; qu'on s'ingénia à faire passer Marx pour un agent de Bismark ; que le wagon plombé de Lénine fait encore prendre des airs entendus aux ennemis de la grande révolution d'Octobre. Et Liebknecht, et Rosa Luxembourg ! N'oublions pas et ne faisons pas à Léon Trotsky l'injure de le défendre, à Léon Trotsky puisque c'est essentiellement lui, toujours lui qui est visé et qu'il suffit qu'il soit mis hors de cause pour que toute l'accusation contre d'autres se retourne contre celui qui l'a formulée. Souvenons-nous, camarades. Qui disait : « Peut-on croire un seul instant au bien-fondé de l'accusation selon laquelle Trotsky, ancien président du Soviet des députés de Pétersbourg en 1905, révolutionnaire qui a servi pendant des dizaines d'années la révolution avec désintéressement, aurait quelque rapport avec un plan financé par le gouvernement allemand ? C'est une calomnie manifeste, inouïe, malhonnête lancée contre un révolutionnaire » ? C'est Lénine qui parle ainsi en 1917. Qui a dit : « Tout le travail pratique de l'insurrection [d'octobre] fut mené sous la direction immédiate de Trotsky, président du Soviet de Petrograd. On peut dire avec certitude que le rapide passage de la garnison au Soviet et l'habile organisation du travail du Comité militaire révolutionnaire, le parti en est avant tout redevable au camarade Trotsky » ? Qui délivre, le 6 novembre 1918, à Trotsky, ce certificat qui vaut aujourd'hui tous les autres ? Staline.

Puisque, comme l'écrivent les camarades Louis de Brouckère et Friedrich Adler, président et secrétaire de l'Internationale ouvrière socialiste, le secret de l'instruction préalable et la hâte avec laquelle on est passé de l'achèvement de l'instruction à l'ouverture du procès rendent « matériellement impossible d'envoyer en temps utile des observateurs à Moscou », force nous est une seconde fois de renoncer à savoir sous le poids de quelle contrainte monstrueuse, par le fait de quelle duperie effroyable les accusés s'y conduisent si follement. L'urgence seule doit, en pareil cas, nous dicter notre propre conduite. Pour ne pas tout perdre, elle exige de nous que nous limitions nos objectifs. Ce à quoi nous devons borner nos efforts, c'est à obtenir que ces hommes ne soient pas exécutés, tout en exigeant que des avocats indépendants du gouvernement soviétique soient mis dès maintenant en rapport avec les accusés du troisième procès, puisque nous savons qu'il y aura un troisième procès. En raison de la conclusion très prochaine des débats de celui-ci, nous devons, camarades, à tout le moins faire nôtre la résolution du groupe des avocats socialistes demandant « à la Russie révolutionnaire, qui n'a plus rien à craindre de ses ennemis, de renoncer à la peine de mort en matière politique », mais nous devons aussi la sommer d'y renoncer tout de suite, sous peine de convaincre le monde qu'elle n'est plus la Russie révolutionnaire, d'en convaincre le monde révolutionnaire qui, hélas, n'en est pas encore convaincu.

Telle est la seule tâche concrète à laquelle nous puissions, avec une chance même très minime de résultat, nous consacrer. Mais il y a autre chose en quoi nous ne devons sous aucun prétexte nous laisser dépasser par les événements. Ne nous hypnotisons pas sur le mystère des « aveux ». Concentrons notre attention non pas sur les moyens par lesquels ils ont été arrachés, mais sur les fins pour lesquelles ils ont été arrachés. La solution ne peut être trouvée seulement en U.R.S.S. ; elle doit être cherchée à la fois en U.R.S.S. et en Espagne. En U.R.S.S., il est bien entendu que, pour peu qu'on s'avise de poursuivre une analogie historique, Thermidor est déjà loin en arrière. « Le régime politique actuel de l'U.R.S.S., a dit Trotsky - et on le lui fait bien voir - est un régime de bonapartisme « soviétique » (ou antisoviétique) plus proche par son type de l'Empire que du Consulat. » En 1805, camarades, songez que la partie la plus éclairée de l'opinion allemande, l'élite des philosophes, Fichte en tête, s'est abusée jusqu'à saluer Napoléon comme le libérateur, comme l'envoyé et le porte-parole de la Révolution française. Nous en sommes au même point avec Staline. Les procès actuels sont, d'une part, le produit des contradictions qui existent entre le régime politique du bonapartisme et les exigences du développement d'un pays comme l'U.R.S.S., qui, envers et contre Staline et la bureaucratie, reste un Etat ouvrier. Mais ces procès sont, d'autre part, la conséquence immédiate de la lutte telle qu'elle est engagée en Espagne : on s'efforce à tout prix d'empêcher une nouvelle vague révolutionnaire de déferler sur le monde ; il s'agit de faire avorter la révolution espagnole comme on a fait avorter la révolution allemande, comme on a fait avorter la révolution chinoise. On fournit des armes, des avions ? oui, d'abord parce qu'il est indispensable de sauver la face, ensuite parce que ces armes, à double tranchant, sont appelées à briser tout ce qui travaille, en Espagne, non pas à la restauration de la république bourgeoise, mais à l'établissement d'un monde meilleur, de tout ce qui lutte pour le triomphe de la révolution prolétarienne. Ne nous y trompons pas : les balles de l'escalier de Moscou, en janvier 1937, sont dirigées aussi contre nos camarades du P.O.U.M. C'est dans la mesure même où ils se sont défendus d'être trotskystes qu'on recourt contre eux, dans le dessein de les atteindre par ricochet, on ne s'en cache plus, à l'affreux barbarisme jésuite du « centre parallèle ». Après eux, c'est à nos camarades de la C.N.T. et de la F.A.I. qu'on tentera de s'en prendre, avec l'espoir d'en finir avec tout ce qu'il y a de vivant, avec tout ce qui comporte une promesse de devenir dans la lutte antifasciste espagnole.

Camarades, vous direz avec nous que les hommmes qu'on produit méconnaissables sur les tréteaux branlants des tribunaux de Moscou ont gagné par leur passé le droit de continuer à vivre et que vous faites toute confiance à l'avant-garde révolutionnaire catalane et espagnole pour ne pas se déchirer elle-même et sauver, malgré Staline comme malgré Mussolini et Hitler, l'honneur et l'espoir de ce temps.

André Breton


GRADIVA

Gradiva ? Ce titre emprunté au merveilleux ouvrage de Jensen(*), signifie avant tout :

CELLE QUI AVANCE

Qui peut bien être "celle qui avance" sinon la beauté de demain, masquée encore au plus grand nombre et qui se trahit de loin en loin au voisinage d'un objet, au passage d'un tableau, au tournant d'un livre ? Elle se pare de tous les feux du jamais vu qui font baisser les yeux à la plupart des hommes. Elle n'en hante pas moins leurs demeures, glissant au crépuscule dans le couloir des pressentiments poétiques :

A peine de ma vie avais-je encore idée Et ce que jusqu'alors, larve aux lueurs guidée, Savais nommé mon âme était je ne sais quoi Dont je n'étais plus sûr et qui flottait en moi. Il ne restait de moi qu'une soif de connaître, Une aspiration vers ce qui pourrait être, Une bouche voulant boire un peu d'eau qui fuit, Fût-ce au creux de la main fatale de la nuit. (Victor Hugo)

Quitte à devenir de plus en plus lumineuse sur le palier de cette confession :

J'aimais les peintures idiotes, dessus de portes, décors, toiles de saltimbanques, enseignes, enluminures populaires... (A. Rimbaud)

De plus en plus nue en gravissant l'escalier de ces injonctions :

Il faut être absolument moderne. (A. Rimbaud)

Mais, sachez que la poésie se trouve partout où n'est pas le sourire, stupidement railleur, de l'homme, à la figure de canard. (Lautréamont)

Nous n'aimons pas assez la joie De voir les belles choses neuves O mon amie hâte-toi Crains qu'un jour un train ne l'émeuve Plus Regarde-le vite pour toi (G. Apollinaire)

On a révé d'un lieu sans âge, n'importe où hors du monde de la raison, où ceux des objets fabriqués par l'homme qui ont perdu leur sens utilitaire, ne l'ont pas encore trouvé ou s'en sont écartés sensiblement — qui de ce fait sont de quelque manière A SECRET émergeraient d'une manière élective et sans interruption de la rivière de sable de plus en plus serré qui constitue la vision de l'homme adulte et tendraient à lui rendre la transparence de celle des enfants. Ces objets alterneraient avee des objets naturels de toute singularité, essentiellement ceux dont la strueture répond à une nécessité des plus obscures, dont le seul aspeet est d'ordre à faire rebondir le problème de cette nécessité. Les uns comme les autres pourraient assez mystérieusement plaire, éveiller des idées de possession, se déterminer en particulier pour chacun comme révélateur de son propre désir, au moins comme intercesseur entre ce désir et son véritable objet souvent inconnu. Une première nomenclature de tels objets a été tentée :

Objet naturels Objets trouvés Objets de fous Objets naturel interprétés

De même que la poésie doit être faite par tous, ces objets doivent servir à tous.

*

Sous une forme des plus plaisantes, le romancier hongrois Alexandre Maraï, dans un conte publié en français par le journal Lu (16 aout 1935) montre qu'il n'est pas passé très loin de cette conception en imaginant un magasin qui s'appellerait : " Un peu de tout" et dont il a décrit avee précision quelques angles :

« Nous commençâmes par placer au centre de la vitrine un morceau de basalte, passablement gros mais pas trop encombrant, bien astiqué et couché délicatement sur un lit de ouate comme un objet extrêmement fragile. A droite et à gauche, dans des coupes simili cristal, reposait du sable marin blanc et jaune et du vulgaire sable calcaire... Sur la feuille de carton-pâte noir, constituant le fond de la vitrine, était collé un choix de feuilles de hêtre, d'acacia et de chêne, avec indication précise de l'origine : on y trouvait des feuilles de mai, d'août et d'octobre, allant du vert tendre au jaune d'or... Dans un cadre sous verre nous offrions la page 165 fortement cornée de l'un des romans les moins réussis de M. Pierre Benoit, de l'Académie française..."

Il suffit de substituer aux éléments concrets de cette description dont la non-valeur manifeste est génératrice d'humour d'autres éléments concrets de quelque valeur pour que la formule hautement dépaysante du magasin de Maraï soit à retenir.

On a rêvé, en outre, d'un lieu aussi réduit qu'on voudra, mais d'où l'on aperçoive sans se pencher les plus grandes, les plus audacieuses constructions en cours dans la tête des hommes, d'un lieu d'où l'on puisse surmonter la vue rétrospectice qu'on est accoutumé à avoir de la création véritable en matière artistique par exemple. D'un lieu minuscule mais illimité d'où l'on puisse jouir d'un regard panoramique sur tout ce qui se découvre et en même temps se dire : « On eût pu lire ici Delfica de Nerval, on eut pu voir Borel entrer en coup de vent... ou bien: Seurat eût laissé là l'une de ses Poseuses, c'est ici qu'eût aimé s'asseoir Henri Rousseau ».

comme le soufflet qui fait communiquer deux wagons d'un train, ces ombres que vous aimez vous attendent pour vous guider au seuil de Gradiva.

Œuvres de :

ARP BELLMER CHIRICO DALI DOMINGUEZ DUCHAMP ERNST GIACOMETTI HAYTER KLEE DORA MAAR MAGRITTE MARCOUSSIS MIRÓ ŒLZE PAALEN PICABIA PICASSO MAN RAY TANGUY Etc.

On a rêvé enfin d'un paradis des livres — si peu d'élus — mais que les rayons pour les tenir soient vraiment des rayons de soleil. Condition à part de ces livres: qu'ils vaillent tous la peine d'être lus, que d'eux et d'eux seuls se compose la substance phosphorique de ce que nous avons à connaître, à aimer, de ce qui peut nous faire agir non plus en arrière mais en avant :

LISEZ      NE LISEZ PAS

Du livre d'images des enfants au livre d'images des poètes : GRADIVA Sur le pont qui relie le rève à la réalité « retroussant légèrement sa robe de le main gauche » : GRADIVA Aux confins de l'utopie et de la vérité, c'est-à-dire en pleine vie : GRADIVA

[Publié à l'occasion de l'ouverture de la galerie Gradiva dirigée par André Breton, en mai 1937 à Paris] [Ce tract ne figure pas dans l'ouvrage de José Pierre]


Por un tres de mayo victorioso

El tres de mayo la careta hipócrita del antifascismo staliniano reformista ha caído para siempre. Tras una larga conspiración contrarrevolucionaria cuidadosa y pérfi- damente preparada, desde los primeros días de julio, el Frente Popular, azuzado en primer término por los stalinianos, se lanzó a un golpe de fuerza contra la clase traba- jadora: La respuesta formidable de tres cruentos dias de lucha, es la clasificación definitiva del Frente Popular, los partidos y organizaciones obreras. Un nuevo criterio de la situación, las ideas, los hombres y los partidos de la escena política, será la estela aleccionadora de las jornadas de mayo, que prepararán un nuevo tres de mayo victorioso. De un lado estaba el Frente Popular, provocador directo y consciente del ataque armado a la Revolución, defendiendo a bayoneta calada la propicdad, el orden y el Estado burgueses: en el lado opuesto el proletariado, batiéndose por la Revolución social, el triunfo de la guerra y la destrucción del Estado burgués, pero abandonado y saboteado en medio de la lucha incluso por aquellas organizaciones que oficialmente no se hallan en el Frente Popular: C.N.T.-F.A.I., P.O.U,M. De cualquier manera, el mito obrerista del Frente Popular ha caido acribillado a balazos por millares de fusiles proletarios, Contrarrevolución y Frente Popular se escriben juntamente con la sangre de los obreros caidos. La ruptura e incompatibilidad entre el Frente Popular y el prole- tariado revolucionario, se reveló en su forma más cruda en las jornadas de la Telefónica: pero la bandera del tres de mayo no alcanzará el día de la venganza mientras el proletariado no disponga de una organización que le oriente, capacite y lance a la destrucción del Frente Popular y la toma del Poder. De la provocación staliniana del tres de mayo son responsables sin distincion todas las organizaciones existentes. Los designios reaccionarios del Frente, Popular eran patentes desde su constitución. Queda como testimonio el bochornoso documento, electoral avalado por el P.O.U.M. y tácitamente secundado por la C.N.T. y la F.A.I. Durante cinco meses de democracia burguesa ninguna de estas organizaciones denunció sistemáticamente la complicidad staliniano-reformista-republicana del Frente Popular en los propósitos y manejos fascistas. Nadie organizó al proletariado contra aquél, primera etapa de la organización verdadera de la lucha contra el fascismo y la burguesia. La rebelión fascista se produjo así con la complicidad más o menos grande de todas las organizaciones existentes, y como resultado de su aplastamiento, con todas las condiciones dadas para transformar en proletarios la Economía, el Estado y el Ejército burgueses, la C.N,T., la F.A.I. y el P.O.U.M, se incorporan directamente al Frente Popular, con- teniendo la descomposición del Estado capitalista y colaboran a reorganizar las guardias civil y de asalto, el ejército burgués y las relaciones con el mperialismo anglo-francés, destinado todo ello al desarme del proletariado y la asfixia general de la guerra y la revolución, cuyo primer paso ha sido el asalto a la Telefónica. Una fuerza, la del stalinismo, comenzó a desarrollarse y adquirir preponderancia en el Estado. Al socaire de la ayuda rusa y de su propia política antiproletaria, el stalinismo invade los puestos burocráticos, se atrae a la mayoria de los antiguos militares monárquicos, y asimila o somete a su tutela a una parte de la burocracia reformista, hasta convertirse en inspirador supremo de la política en Valencia y, Barcelona. El auxilio prestado por la U.R.S.S, sirve para ejercer el chaptage político y la maniobra más desleal en beneficio de la reaccionaria política staliniana. La ayuda material que los trabajadores rusos quieren y creen prestar a la Revolución española, es transformada por la burocracia staliniana en ayuda a la contrarevolución burguesa. Los guardias de asalto disparan su fusiles rusos contra los revolucionarios españoles, mientras se niegan armas al frente de Aragón con el propósito calculado de cultivar el desprestigio en torno a cuanto no sea staliniano o le esté sometido. Fugitiva o ausente, la gran burguesía de nuestro territorio, excesivamente raquiti- cos y conocidos como burgueses los partidos republicanos, y sin condiciones en general, para desarrollar una política burguesa independientemente de los partidos obreros, burguesía nacional e internacional debía encontrar una forma de expresión adecuada a las nuevas condiciones establecidas desde el 19 de julio. El stalinismo es en España el agente más perspicaz y dedido —y el más criminal también— de la gurguesía indigena y el imperialismo franco-británico, al que Stalin ha vendido la revolución española y mundial. Para el stalinismo, monarquía, República democrática o fascismo, son en el fondo cosas indiferentes. Lo que para él decide es la cuestión: ¿Con Alemania o con Inglaterra? Y el dia en que los capitalistas alemanes y británicos lleguen a un acuerdo sobre España, el stalinismo echará las campanas a vuelo para presentarnos a los fascistas como hermanos y compatriotas descosos de colaborar a la reconstrucción y felicidad de la patria. La revolución social es la única cosa no indiferente para el stalinismo, porque ella pondria término a su dominación burocrática, que en tanto peligro pone la existencia de la U.S. y que le conduce a la lucha directa contra el proletariado y la revolución mundial. No en vano fué un stalinista, Rodríguez Salas, el encargado de iniciar la lucha armada contra los trabajadores, El stalinismo se ve obligado a actuar asi porque sólo es un apéndice de la burocracia rusa y la política internacional de ésta le doblega ante los capitalistas de Francia e Inglaterra. Estos imponen a la U.R.S.S. la lucha contra la revolución en España, y José Diaz, Comorera y Jesús Hernández son los encargados de las cuestiones prácticas. Para restablécer en sus puestos al guardia civil, al capitalista y al terrateniente expropiados, al general y al banquero, el stalinismo pondrá en juego toda su técnica de la provocación, la malversación, la calumnia y la persecución. En primer plano de la lucha por la revolución y la guerra civil, se encuentra la lucha contra el stalinismo y su cenáculo de traidores, el Frente Popular. Es con esta cuadrilla de provocadores a sueldo, que la CiN.T. la F.A.. y el P.O.U.M. han colaborado y a la unidad con ellos que se llama unidad obrera. Las masas se han visto desorientadas, engañadas y adormecidas por aquellas tres organizaciones, cuyo deber era conducirlas a la lucha contra el stalinismo. Pero los anarquistas cifraban todas sus ambiciones en continuar ocupando los ministerios y el P.O.U.M. no cesaba a cada crisis de solicitar un puesto junto al provocador Aiguadé. Ese partido, despues de la tormenta, cree salvar su virginidad politica pidiendo Comites pa Defensa revolucionaria, mientras de sus milicias se expulsa a los "trotskistas" que pasan a la constitucion práctica de esos Comités. Al dia siguiente de "La Batalla", Gorkin decía en "Solidaridad Obrera" que no protestaban por la suspension. Eso equivale a inducir a las masas a reconocer y aceptar la autoridad del Frente Popular, a darles ejemplo de sumisión, Ahora bien; a los Comités de Defensa revolucionaria corresponde en primer término la lucha contra el Frente Popular. Capitulando ante la persecusion de este, el P.O.U.M. demuestra que los Comités, la lucha organizada de la masas contra sus innimigos interiores y exteriores, es en el puro verbalismo exterior. De la misma manera la C.N.T.-F.A.I. descargan sus culpas sobre "la mala fe de los políticos" después de haber amparado y practicado ellos mismos, durante diez meses, la mala fe hacia el proletariado tras la palabra "unidad". La cobardía de aquellas organizaciones para romper sus compromisos con el Frente Popular, es lo que principalmente ha impedido al proletariado superarlo y emprender el camino de la victoria. El día primero de junio, el Comité Nacional de la C.N/T. ofrece su confianza y su apoyo al Gobierno Negrin-Prieto, La gravedad de la situación internacional, después del bombardeo de Almeria por la escuadra alemana, les induce a deponer todo interés de clase ante el Gobierno de la burguesía. Unión sagrada y traición a la clase trabajadora se llamó a esto durante la guerra europea. Nadie que no sea un fascista puede negar el apoyo para la lucha militar contra Franco. Pero en la derrota de éste no es el Gobierno del Frente Popular el mayor interesado, sino el proletariado de España y del mundo todo. Este mismo proletariado es la única clase capaz de llevar la guerra y la revolución hasta sus últimas consecuencias. El Gobierno Negrin, por su carácter anti- proletario, es el menos indicado para dirigir la guerra. Contra él es preciso organizar a las masas, prepararlas para la toma del Poder. Este es el único medio efectivo de luchar por la victoria de la guerra y la Revolución, Con su apoyo gubernamental (efectivo de una manera u otra, a pesar de las negaciones posteriores), la C.N.T. entrega las masas a sus enemigos interiores, al mismo tiempo que pretende comprar un poco de tranquilidad, Negrin aceptará el apoyo y continuará, auxiliado por los Comités superiores de la C.N.T, la lucha contra todo lo que de revolucionario hay en ella, como es el caso de los "Amigos de Durrutti", ignominiosamente entregados por la C.N.T. y la F.A.I. a merced de la policía. Los "Amigos de Durruti" son la fuerza anarquista que mejores enseñanzas ha obtenido de la revolución. Sobre ellos recae la tarea de salvar al proletariado cenetista de la dirección traidora. Su influencia puede ser importantisima en la marcha de la Revolución. Al lado de ellos, por la reconstrucción ideológica de la dirección obrera, luchando denodadamente contra el fascismo, contra las fuerzas reaccionarias del Frente Popular y contra la persecución ideológica de la C.N.T., la F.A.l. y el P.O.U.M., estaremos los bolcheviques-leninistas. Las jornadas de mayo pusieron al vivo todas las úlceras de las organizaciones obreras. Al contraste de la lucha, todas ellas mostraron su verdadera fisonomia. Los líderes cenetistas, cuando el movimiento estaba en su apogeo, con plena facultad de tomar el Poder a la primera indicación hecha a los combatientes dueños de la ciudad, traicionan el movimiento expontáneo de las masas, ordenando "alto el fuego" y la vuelta al trabajo, mientras por la radio dedicaban amorosos besos a los guardias de asalto defensores del capital. El P.O.U.M. -¡cuánta osadia!- sumándose a los traidores, mientras "La Batalla" engañaba a las masas sobre el resultado de la lucha. Ambas organizaciones, teniendo a las manos la derrota del Frente Popular y la toma del Poder, dieron marcha atrás al movimiento en aras de la "unidad" antifascista. La expresión exacta de esa unidad son los miles de guardias que patrullan por las calles de Barcelona y los incidentes continuos provocados deliberadamente por el delegado de Orden público para mantener una tensión saludable a los designios del Frente Popular y consumar paulatinamente el desarme del proletariado. Pasados los acontecimientos, el P.O.U.M. ha tratado de justificarse por su falta el P.O.U.M. de fuerza para conducir el movimiento. Habrá que recordarle que la fuerza no la dá Dios, sino que se conquista. Si la toma del Poder no le era posible, ¿intentó siquiera canalizar el movimiento hacia objetivos limitados --desarme de los guardias y fusilamiento de Aiguadé y Salas, Patrullas de Control, constitución de Comités o Juntas obreras, pero que representasen un trienfo parcial del proletariado? No: durante los días del combate los militantes del P.O.U.M. se comportaron como dignos revolucionarios, pero sus Comités como indignos dirigentes. El partido es masa ya empieza a sufrir las consecuencias. Sólo dos pequeños grupos no traicionaron, animaron el movimiento y dieron consignas ofensivas a los combatientes de las barricadas: los "Amigos de Durruti" y los bolcheviques leninisias. Por poqueñas y recientes que tales organizaciones sean, este becho tiene una enorme significación, sobre todo si se tiene en cuenta que por primera vez un grupo anarquista da la consigna de "Juntas de obreros, campesinos y combatientes" y "todo el Poder al proletariado" - En el momento mismo en que, bajo la prueba del fuego, se revelan la traición o la incapacidad de los dirigentes obreros, los núcleos más decididos, el germen de la futura dirección proletaria, hacen su aparición y los combatientes fraternizan inmediatamente con ellos. En efecto: las jornadas de mayo tienen el incalculable valor de haber roto las ilusiones de la masa en las direcciones de la C.N.T. la F.A.I. y el P.O.U.M. Un periodo de depuración ideológica y reconstrucción de los cuadros dirigentes de la revolución proletaria, ha quedado abierto. De la formación de éstos en los próximos meses está pendiente el porvenir de la guerra y la revolución. Con las jornadas de mayo la burguesia se apunta un triunfo, preciso es recono- cerlo. El orden público y la dirección militar han pasado a manos del Gobierno central. Los girones de autonomia de que disfrutaba Cataluña le han sido arrebatados a ruegosde los stalinianos y de los pequeños burgueses catalanistas tipo Companys, La ley, considera fascistas a los obreros que tengan un fusil en su poder, y continuamente llegan miles de guardias de asalto, en los que el P.S.U.C. cultiva el espíritu contrarrevolacionario mientras adereza una segunda Telefónica. La segunda repercusión ventajosa para la burguesía se produjo en Valencia con la constitución del gabinete Negrin. Sin que haya grandes diferencias de matiz entre éste y el anterior Gobierno, el actual está absolutamente sometido a la burocracia staliniana y al imperialismo anglo-francés. Sube al Poder con el propósito preconcebido de preparar el compromiso con los fascistas o, si las contradicciones imperialistas lo hacen imposible, encadenar al proletariado, y retrotraer las cosas hasta la situación anterior al 19 de julio. Prieto, ese socialista grasiento y millonario, partidario del compromiso con Franco desde agosto de 1936, se encuentra al frente (?) de la guérra. Negrin declara: "Todavía es prematuro para hablar de paz: ya llegará el momento oportuno. No podemos hablar de paz antes de haber asegurado la tranquilidad absoluta en la retaguardia." . Y la burguesia mundial bate palmas por la buena marcha de los acontecimientos españoles. Pero el Gobierno tendrá que cometer muchos crimenes. instaurar una verdadera dictadura militar, antes de poder consumar la paz, y el proletariado no parece dispuesto a dejarse arrebatar el triunfo. El becho de que durante tres días Barcelona y toda Cataluña estuviesen en manos de los trabajadores demuestra, su poder y las reservas combativas con que cuenta, Los combatientes de mayo no han sido vencidos por la contrarrevolución, sino desbandados por sus propios dirigentes. Arma contra arma, los vencedores fueron los obreros. Sólo la traición de sus lideres posibilitó los resultados contrarios. Pero la demostración de fuerza y la maravillosa, cuanto espontánea capacidad para la organización del combate de que dieron pruebas, prometen dar al traste con todo el tinglado gubersamental apenas cuente con una dirección digna de su heroísmo ilimitado. El Gobierno tendrá que luchar contra un enemigo obstinado y dispuesto a morir antes que ser derrotado. Pero es preciso organizarse y hablar claramente a las masas, El Gobierno no retrocedera ante nada para alcanzar su meta contrarrevolucionaria. Armará a las fuerzas represivas mucho mejor que a los luchadores del frente; desarmará cuanto pueda a los trabajadores; fomentará la especulación, la usura, y saboteará la guerra para fatigar a la población y hacer admisible el compromiso; introdicira la desorganizacion economica (el Gobierno de Valencia, segun "Solidaridad Obrera", hace sus pedidos de ropas al extranjero y no a las industrias catalanas) para hacer antipáticas las colectivizaciones y arrebatar sus conquistas al proletariado: recurrirá a la calumnia y la persecución contra los "Amigos de Durruti", los bolcheviques-leninistas y todos los que no se dobleguen ante sus nefastos propósitos: preparará, si lo cree necesario, un golpe de fuerza de cualquier Miajas o Pozas en funciones de Martinez Campos. Pero la cuestion decisiva en las armas. Negrin se propone desarmar a los trabajadores. Los trabajadores deben hacer lo contrario de lo que se propone Negrin. Pero la lucha por el armamento y el poder obreros, debe ser organizada y extendida a todas las capas de la población explotada, Constitución de Comités de fábrica, de compañía, de batallón: Comités de campesinos. preciso contar con seguridad con que el alza de la vida y todas las medidas del Gobierno extenderán el descontento y opondrán cada vez más amplias masas al Frente Popular, Al secundar la huelga de las jornada» de mavo, los trabajadores de la U.G.T. demostraron que están contra la política de sus lideres y que la cuestión de ganarles a la revolución es una cuestión de dirección idónea. Todas las condiciones objetivas cuentan favorables a la revolución. Organizar al proletariado en un frente único de clase, oponerlo al Frente Popular y dotarlo de sus propios órganos de lucha (Comités, Juntas), es la clave del triunfo sobre los conciliadores, sobre el Frente Popular, de la victoria contra los fascistas y de la formación de la dirección proletaria que garantizará el triunfo de la Revolución. Los bolcheviques-leninistas, estamos y estaremos a la vanguardia de esa lucha contra los enemigos del proletariado, llámense fascistas, republicanos, socialistas o stalinianos, e indicamos a los trabajadores el camino de su emancipación. Contra el Frente Popular, Frente Revolucionario del Proletariado entre la C.N.T., la F.A.I, el P.O.U.M. y todas las organizaciones de clase para organizar la lucha Por los Comités o Juntas de obreros, campesinos y combatientes, democráticamente elegidos. Contra el armisticio y contra la transformación de la guerra civil en imperialista. Por el armamento del proletariado, el desarme y disolución de los cuerpos burgueses. Por un corden pública distriter de las Parecios me Conte 1. de la distribución y los precios mediante los Comités. Por la pena de muerte para los especuladores. Contra la censura política y la persecución de la prensa y las organizaciones obreras, Por el triunfo de la guerra y de la Revolución. ¡VIVA LA REVOLUCION PROLETARIA! ¡VIVA LA REVOLUCION MUNDIAL! Barcelona, junio de 1937

Sección Bolchevique-Leninista de España (por la IV Internacional) EL COMITÉ,

Juin 1937

[Ce tract ne figure pas dans l'ouvrage de José Pierre]


A pesar de todo viva la revolucion

Del 19 de Julio 1936 al 19 de Julio 1937

Un año ha transcurrido desde las gloriosas Jornadas de julio, año lleno de entusiasmos y también de profundas decepciones para la clase obrera. Julio de 1936. Los obrtros, casi sin armas, voscen la rebelión militar-fascista en las ciudades más importantes En poblaciones como Oviedo, Zaragoza, Sevilla, donde los obreros fracasaron, los representantes del "Frente Popular" último momesto a armar al se negaron hasta el proletariado. En Cataluña los obreros improvisaron us ejarcito y derrotaron al enemigo, pese a su superioridar en armamento, municiones y experiencia militar. Julio de 1937. Badajoz, Trún, Loiedo, Málaga, Bilbao: una cadona ininterrumpida de traiciones. Las heroicas columnas de la C. N. T.F. A. 1. Y del P.O.U.M. lisueltas, y en su lugar el Ejército Popular, regido el viejo Código militar de la monarquía podrida. Con la igualdad entre oficiales y soldados, ha desaparecilo el entusiasmo de nuestros milicianos. ¿Dóndo están hoy las heroicas hazañas de nuestra flota roja, desaparecidas al mismo tiempo que la bandera roja y rojinegra de las unidades navales? Julio de 1936. Los obreros se apoderan de las fábricas, los campesinos de las tierras, arrojas a los explotadores y latifundistas y establecen el nuevo principio: salario igual a trabajo igual. Bajo la gestión de los Comités de de los Sindicatos, la nueva economía comienza a enarena funcionar satisfactoriamente, pese a la inexperiencia y los actos de sabotaje. No hay lujo, pero tampoco hay hambre. Julio de 1937. EL P. S. U. C. se entrega a una campaña feroz contra las exige au feron patra la queno de la Cel fondo uino un camino desviado para devolver los beneficion a los accionistas fugitivos y los capitalistas extranjeros, en espera de reintroducir la propiedad privada. El Municipio ha dado ya comienzo a esta obra indemnizando salarios a los propietarios de viviendas. Los salarios son bajos, pero los especuladores se enriquecen. No hay suficiente pan en las tahonas, pero una nueva casta de privilegiados encuentra en los comercios toda clase de artículos de lujo. Julio d 1936. Los obreros dominan la calle, los pequeños burguçses se esconden aterrados. Los obreros, guiados retaguardia por su instinto de clase, purifican de traidores fascistas y de republicanos "liberales": los Tribunales populares ejercen la justicia proletaria: calumniadores no de atreven levantar la cabeza; la prensa es libre para la clase obrera; ningún hombre honrado tiene miedo a expresar francamente su opinión. Julio de 1937. Las víctimas del 3 de mayo están frescas aún en la memoria de todos; las tropas de ocupación del Gobierno de Valencia, mandadas por oficiales reaccionarios y provistas de fusiles rusos, recorren las calles. La C. N. T. ha sido expulsada del Gobierno, se intenta expulsar a la F. A, L. de los Tribunales populares. Una oleada de calumnias parte de las oficinas y redacciones del P. S. U, C., con ánimo de sumergir el P. O. U. M., cupos dirigentes — viejos y probados militantes, revolucionarios — han sido acusados de espionaje, cuyos miembros, así como los de la F. A. I., yacen por centenares en los calabozos de la pasada monarquía. El 19 de julio de 1936 vió desvanecerse el Gobierno traidor de "Frente Popular"; los verdaderos representantes del pueblo se organizaron a toda prisa, con todos los defectos e insuficiencias de la improvisación, en el COMITE CENTRAL DE MILICIAS ANTIFASCISTAS. El 19 de julio de 1937 los partidos de Frente Popular se han apoderado nuevamente del Poder, tras haber eliminado de él a la C. N. T. que representa la mayoría aplastante de la población laboriosa y su parte más sana. El Gobierno de Frente Popular, que en julio de 1936 negara las armas a los obreros, intenta ahora, en 1937, volvér-selas a quitar. ¿QUIEN ES RESPONSABLE? Todo revolucionario consciente está en el deber de preguntarse: ‹Cómo ha sido posible llegar a tan tristes resultados? No fué ciertamente culpa de las masas españolas ni del proletariado, quien en primer lugar luchó con inaudito heroismo y puso todo el poder en manos de sus dirigentes, en quienes confiaba. Pero atos, en lugar de emplear el Poder contra los restos de la burguesía, lo compartieron deliberadamente con ella y devolvieron a Company». Terradellas y sus congénetes una parte de su fuerza y de su prestigio, La C. N. T. y el P. O. U. M. entraron en un Gobierno burgués, es decir, dieron principio a la COLARORACION DE CLASES, queriendo realizar la unidad entre explotadores y explotados, tan imposible como la unidad entre, el agua y el fuego. Mediante la política de los últimos doce meses, la C. N. T. ha demostrado incontrovertiblemente su incapacidad de llevar la, clase obrera a la victoria definitiva. Lojos está de nuestro ánimo despreciar el trabajo de la C. N. T. en el terreno económico, donde ha dado pruebas de au capacidad constructiva, pero por otra parte ha probado prácticamente que hasta estando animada de las mejores intenciones, es absolutamente imposible instaurar el socialismo ai se deja el poder político en manos del enemigo de clase. A los obreros anarquistas les horroriza el vocablo "poder", así como el término "política". Pero es hora ya de que abandonen sus prejuicios y comprendan que el poder político no significa otra cosa que el mando del ejército, la policía, la administración, ,etc. El "apoliticismo" de la C. N. T. no nos ha llevado a la eliminación de la política, sino a ceder al P. S. U. C. y a la Esquerta y otros reaccionarios la gestión de los asuntos públicos. La posición "antiestatal" de la C. N. T. no ha tenido como consecuencia la abolición del Estado, sino el paso de todas las fuerzas coercitivas del Estado, policía, Ejército, cárceles, etc., de las manos del proletariado a las de la burguesía. Su "antimilitarismo" se ha demostrado una utopía: toda la cuestión estriba en saber ai el Ejército se encontraba bajo el mando de los generales burgueses o de los dirigentes del proletariado dignos de confianza. Mas los ministros confederales, "antimilitaristas" en abatracto, han avalado con su firma la militarizacion burguesa. Su "antiautoritarismo" no ha hecho desaparecer los tiranos, sino que ha contribuído con su pasividad a que en el lugar de los antiguos déspotas encontremos otros nuevos.

En resumen: la C. N. T. es, contraria a la dictadura del proletariado. Pero ésta no es más que el exercicio del Poder por los representantes de la inmensa mayoria de la poblacion labboriosa, dirigido contra una insignificante minoría de holgazanes burgueses a los que debe retirarse todo derecho, político, pues sólo se servirían de él para fomentar la contrarrevolución. La dictadura del proletariado no es sino la verdadera democracia obrera practicada a través de los Comités de obreros, campesinos y combatientes. La toería nefasta de los anarquistas, que están "contra toda dictadura", ha tenido la lamentable consecuencia de que nos encontremos hoy en presencía del desencadenamiento de la dictadura de la BURGUESIA. Camaradas anarquistas, Obligados estáis a reconocer que la C. N. T.-F. A. L.. compelida por las erigencias de la realidad, ha sacrificado todas aus teorias: los "antigubernamentales" exigen hoy participación en el Gobierno - burgués; los "antimilitaristas", representación en el Ejército - burgués; los "apolíticos" se han entregado a la política — burguesa en cuerpo y alma. Los ministros y lídetes anarquistas harl intentado "justificarse" alegando haber sacrificado sus principios por nobleza. ‹Pero qué valor pueden tener unos "principios revolucionario»" que no pueden utilizarse durante la revolución? Es preciso echarlos por la borda y ponerse a buscar otros. Al lado de la C. N. T.. el P. O. U. M. no ha dejado de representar un papel secundario, en tanto que guía del proletariado, El P. O. U. M. se pretende marxista, más nunca lo fué, como nunca fué trotskista, Sus jefes vacilaron continuamente entre el marxismo revolucionario y el reformiamo; sus actos estuvieron en constante contradicción con su doctrina: el P. O. U. M., que ên teoría estaba por la dictadura del proletariado y por un ejército politico revolucionario, ha entrado a formar parte de un gobierno burgués, y firmado el decreto de militarización. Glorificó de palabra las luchas del 3 de mayo pero en el punto culminante, y antes que uno solo de los objetivos fuera conseguido, exhortó como la C. N. T.-F. A. L- a los obreros a abandonar las barricadas. En su tesis el P, O, U, M. reconocía la necesidad de los Comités de soldados, pero expuso a los del frente por haber querido crear Comités en su columnas.El P.O.U.M. se declaraba partidario de une nova Internacional, pero nunca convocó el Congreso que debia deliberar sobre la cuestion. Hoy el P. O. U. M. está aplastado por la reacción, sin el menor movimiento por parte del proletariado. Todo revolucionario, incluso todo obrero honrado, está en el deber ineludMible de defender a todos los camaradas del P. O. U. M. pero debe decirse al mismo tiempo: el P. O. U. M. no ha sa-[... la fin manque]

[Ce tract ne figure pas dans l'ouvrage de José Pierre]


Lettre ouverte à Monsieur Camille Chautemps,
Président du Conseil des Ministres,
Monsieur Jean Zay,
Ministre de l'Education Nationale et des Beaux-Arts,
Monsieur Georges Huisman,
Directeur Général des Beaux-Arts

Paris, le 7 août 1937.

Une Exposition d'Art International indépendant vient d'être organisée au Musée du Jeu de Paume, ayant pour but de montrer les origines et le développement de cet art.

Les organisateurs ont adopté pour principe de donner plus d'importance aux artistes étrangers, étant donné le statut du Musée du Jeu de Paume consacré aux expositions d'art étranger. Aussi, est-ce exceptionnellement et pour marquer les origines de l'Art International indépendant que les artistes français qui ont contribué à la création et au développement de cet art devaient avoir une participation restreinte et éducative à cette Exposition.

Nous avons constaté que de nombreux artistes étrangers, dont l'importance et l'apport sont indiscutables et universellement connus, ont été négligés.

Parmi ces artistes, nous pouvons déjà signaler :

Russie .... ARCHIPENKO, TATLINE, RODCHENKO, MALEWITCH, LISSITZKY.
Pologne .... STAZEWSKI, STRZEMINSKI, KOBRO.
Hongrie .... MOHOLY-NAGY.
Tchécoslovaquie ... SIMA.
Hollande .... VAN DER LECK, VAN DOESBURG.
Allemagne .... ALBERS, VORDEMBERGE-GILDEWART, RICHTER, SCHWITTERS, MARC, NOLDE, SCHMIDT-ROTTLUF, SEIWERT.
Suisse .... MEYER-AMDEN.
Italie .... BOCCIONI, RUSSOLO, CARRA, BALLA, SOFFICI.
Roumanie .... JANCO, BRAUNER.
Suède .... EGGELING.
Angleterre .... MOORE, NASH.
Espagne .... GARGALLO.

Parmi les artistes français, quelques-uns ont été exposés conformément au principe adopté et sont représentés par une oeuvre, cependant que tous les visiteurs pourront constater que certains autres ont une représentation trop importante, sans respect pour le principe adopté à l'origine et appliqué aux autres Français.

Par contre, un certain nombre d'artistes français, dont l'oeuvre est indiscutablement significative pour l'origine et le développement de l'Art International indépendant, ont été exclus injustement de cette Exposition.

Le but des organisateurs était également de faire de cette Exposition une manifestation didactique. Nous considérons que, par les moyens et la présentation adoptés, ce but ne peut être atteint et le résultat présente de graves dangers quant à l'éducation du public et ses rapports avec les artistes.

Nous nous élevons contre la rédaction de l'avant-propos et du texte explicatif du Catalogue qui sont faux.

Pour tous ces motifs, les soussignés demandent la réorganisation équitable de cette exposition.

ANDRÉ BRETON, BRANCUSI, LOUIS DE GONZAGUE-FRICK, PIERRE COURTHION, A. HERBIN, TRISTAN TZARA, KUPKA, R. DELAUNAY, SONIA DELAUNAY, H. ARP, TAEUBER-ARP, GEORGES HUGNET, ALBERT GLEIZES, BENJAMIN PÉRET, SURVAGE, PAUL VIENNEY, K. SÉLIGMANN, ARTHUR SAMBON, E. BÉOTHY, J. BUCHER, VAN DOESBURG, PAULE VÉZELAY, G. VANTONGERLOO, VICENTE HUIDOBRO, OTTO FREUNDLICH, YVES TANGUY, (POUR WOLFGANG PAALEN : GEORGES HUGNET, POUR G. VALMIER, DÉCÉDÉ : A. HERBIN, A. GLEIZES), ROUBILLOTTE, MAX RAPHAËL, LAURE GARCIN, JULIETTE ROCHE, ROSSINÉ, LAJOS TIHANIY, RETH, T. OKAMOTO, LOUIS CATTIAUX, FERNAND MARC, MISZTRICK DE MONDA, PRINNER, GABRIELLE BUFFET-PICABIA, WESCHER, WAHL, ALBERTO MAGNELLI, POLA HANSER, REICHEL, KOSNICK-KLOSS, ANDRÉ THIRION, IRÈNE HAMOIR, MESENS, MOUTON, L. SCUTENAIRE, MARCEL JEAN, GARNIER, SENECH.

[UBU ENCHAÎNÉ]

ÉCLOSION ET PROLIFERATION SOCIALE D'UBU

Etant admis que l'humour représente une revanche du principe du plaisir attaché au surmoi sur le principe de réalité attaché au moi, on n'aura aucune peine à découvrir dans le personnage d'Ubu l'incarnation magistrale du soi nietzschéen-freudien qui désigne l'ensemble des puissances inconnues, inconscientes, refoulées dont le moi n'est que l'émanation permise toute subordonnée à la prudence : « Le moi, dit Freud, ne recouvre le soi que par sa surface formée par le système P (perception) par opposition à C (conscience) à peu près comme le disque germinal recouvre l'oeuf. » En l'occurrence, l'oeuf c'est bien M. Ubu, triomphe de l'instinct et de l'impulsion instinctive, comme il le proclame lui-même : « Semblable à un oeuf, une citrouille ou un fulgurant météore, je roule sur cette terre où je ferai ce qu'il me plaira. D'où naissent ces trois animaux (les palotins) aux oreilles imperturbablement dirigées vers le Nord et leurs nez vierges semblables à des trompes qui n'ont pas encore sonné. » Le soi s'arroge, sous le nom d'Ubu, le droit de corriger, de châtier qui n'appartient de fait qu'au surmoi, dernière instance psychique. Le soi promu à la suprême puissance procède immédiatement, comme on sait, à la liquidation de tous les sentiments nobles (« Allez, passez les Nobles dans la trappe »), du sentiment de culpabilité (« A la trappe les magistrats ») et du sentiment de dépendance sociale (« Dans la trappe les financiers »). L'agressivité du surmoi hypermoral envers le moi passe ainsi au soi totalement amoral et donne toute licence à ses tendances destructives. L'humour, comme processus permettant d'écarter la réalité en ce qu'elle a de trop affligeant, ne s'exerce plus guère ici qu'aux dépens d'autrui. On n'en est pas moins, sans contredit, à la source même de cet humour, ainsi qu'en témoigne son jaillissement continuel.

Telle est, selon nous, la signification profonde du caractère d'Ubu, telle est en même temps la raison pour laquelle il excède toute interprétation symbolique particulière. Comme a pris soin de le déclarer Jarry, « ce n'est pas exactement Monsieur Thiers, ni le bourgeois, ni le mufle. Ce sera plutôt l'anarchiste parfait avec ceci qui empêche que nous devenions l'anarchiste parfait que c'est un homme, d'où couardise, saleté, etc. » Mais le propre même de cette création est de se soumettre les formes les plus variées de l'activité humaine, à commencer par les formes collectives. Partant de là, le même Ubu sera prêt à renoncer à l'avantage personnel qui constituait dans Ubu roi son unique mobile pour rentrer dans la masse humaine dont il tendra à personnifier les émotions d'autant plus contagieuses qu'elles sont plus grossières. A la volonté de domination à toute épreuve d'Ubu roi, Ubu enchaîné donne pour pendant une volonté de servilité à toute épreuve. Le surmoi ne s'est dégagé de l'aventure que pour reparaître sous un aspect stéréotypé, consternant, dont vont participer au même degré le fasciste et le stalinien. On reconnaîtra que les événements de ces vingt dernières années confèrent au second Ubu une valeur prophétique inappréciable, qu'on évoque la manoeuvre des « hommes libres » au Champ-de-Mars prolongée jusqu'à nous par tous les écrans du monde d'un plus que jamais enthousiasme et unanime « Vive l'armerdre » ou l'attitude du Père Ubu devant ses juges qui prépare si bien l'atmosphère des « procès de Moscou » : « Père Ubu (à son défenseur). - Monsieur, pardon ! Taisez-vous ! Vous dites des menteries et empêchez que l'on écoute le récit de nos exploits. Oui, Messieurs, tâchez d'ouvrir vos oneilles et de ne point faire de tapage... nous avons massacré une infinité de personnes... nous ne rêvons que de saigner, écorcher, assassiner ; nous décervelons tous les dimanches publiquement, sur un tertre, dans la banlieue, avec des chevaux de bois et des marchands de coco autour... ces vieilles affaires sont classées, parce que nous avons beaucoup d'ordre... c'est pourquoi nous ordonnons à messieurs nos juges de nous condamner à la plus grande peine qu'ils soient capables d'imaginer, afin qu'elle nous soit proportionnée ; non point à mort cependant... Nous nous verrions volontiers forçat, avec un beau bonnet vert, repu aux frais de l'Etat et occupant nos loisirs à de menus travaux. »

ANDRÉ BRETON

LE FEU AU THEATRE

Il ne s'agit pas d'un de ces Etats tout couverts d'opprobre et de dettes. Ce soir nous allons respirer l'air d'une Barbarie hyperromantique dans laquelle Ubu s'était rendu comme prisonnier. L'endroit tient, vous le verrez, le milieu entre l'Eldorado et le Pérou. Et parce qu'il se cache gracieusement au sein d'un volcan sans autre prétention que d'inspirer beaucoup de curiosité et un peu de terreur, c'est un lieu d'exil, en somme sur mesures, pour l'exercice de nos plus pressantes libertés. Rien donc n'est moins cruel à l'horizon, surtout aux yeux d'Ubu, maître-despote et despote-esclave jusque dans les petits préparatifs de la mort. Un enfer, vous dis-je, pareil à tous les enfers, rouge comme le moindre mal dans toute sa splendeur.

La vie courante serait extraordinaire si on y apportait plus de cynisme qu'il n'en faut pour soutenir notre entière sincérité. L'oser et le tolérer en même temps sont des façons purement poétiques. Le mot à mot de l'existence ne s'en accommode pas ; il exige, au contraire, un pragmatisme de mauvais aloi en accord avec le désaveu que le moi donne au non-moi dans la nature. Chaque individu en impose à la Société dont il dépend et celle-ci lui en impose, en retour, avec usure. Mais se voulant toujours sublime, le critère de la liberté reste toujours anarchique. Dès lors, les écarts de comportement qui nous sollicitent sous le manteau constellé d'adorables psychoses méritent un tout autre examen. C'est là que voulait en venir Jarry. Il y est arrivé en courant, aussi vite que possible, sur le chemin de la liberté.

GUI ROSEY

APPARITION EXTREMISTE DE LA TATANE

L'extra-maçon planté sur l'Himalaya
Installait le téléphone au manoir féodal.
Lune, tunnel, potence à guillotine,
Le chien de Merdressé sur ses pattes arithmétiques,
Te regarde, ô oeil de boeuf, pendule de marbre.
La belle Landaisire pour les besoins de la chose
Changeait son corps en enseigne lumineuse.
Dans la prison le blason savourait toute sa nuit
De cornemuse appendue aux poings cardinaux
Tels de gros fantômes en toiles de tarentule.
Là-bas, la maison se livre aux expériences d'optique :
Elle recule pour voir comme au front d'une malle
L'ostensoir aux cuisses écartées,
La chouette d'ivoire dans sa lumière d'aquarium,
Une plume, c'est tout l'oiseau.
Les noirs sorciers frémissent à leur bout de table
Et c'est l'aube qui monte dans l'odeur d'été.
Le peintre, le poète, tenant leur cocagne de mât,
Enfouissent leur orgueil dans le grand sable mouvant
Où le donjon pour marquer l'heure
Brûle une fanfare prosternée.
La paillasse de la cathèdre demeurait imprimée
Aux fesses pâles et rousses de la lectrice du processionnaire.
Et déjà, immensément éprise, elle naît plus loin.
Tant il est vrai que le réel ne s'oublie pas.
Les castors refermant leur triptyque de miroir
En entraient comme au déclin d'un jour
Le chant du chercheur d'or, de chasseur de chevelure,
Toute la couleur des mortes
Et de la sorte toutes les paroles des esclaves,
La robe de soufre aux ratures de poignard
Et, voyez-vous bien, la tatane au carrefour des mages.

GEORGES HUGNET
25 février 1936.

UBU DIEU

Roi par ici
Esclave par là
Aujourd'hui je me suis fait ange
Et je décervelle en toute saison
Comme un ouvreur d'huîtres
Ici pour la civilisation
Chrétienne ou aryenne qu'importe
Ailleurs pour le bien des futurs décervelés
Les pharmaciens ont mis mon ventre lumineux à leur vitrine
Et ma digne femelle écoute aux portes des voisins
Pour les dénoncer à la police

Donc je suis ange
Voyez comme on me vénère dans tous les pays
Mais sotte bête que je suis
Ange je reste esclave d'un dieu
Vite que je lui crève la bouzine
Ainsi je serai dieu à mon tour
Et je pourrai tordre le nez des rois
Et me baigner les pieds dans le sang
Comme un véritable dieu

BENJAMIN PÉRET

ORAGES

Orages de la tragédie, ferveur des indignations, cuivres tumultueux de l'héroïsme, ce sont encore des blessures et des frissons de la peau. A la fontaine rouge des profondeurs, la vie bondit avec son grand rire prophétique.

La voix du guignol émerge toujours des grondements du canon. La justice des hommes se dessine au charbon sur les murailles extérieures des palais. Et ceux-ci ne peuvent résister longtemps à l'assaut des traits magiques qui délient la puissance du feu.

Les vivants et les morts sont également jugés en fin d'exercice suivant <?>échelle du cocasse. Un rire comme un cyclone anéantit les formes desséchées. Un rire plus fort qu'un tremblement de terre pour faire éclater les têtes froides. Alors la porte s'ouvre sur l'inconnu dont on parlait.

PIERRE MABILLE

LE CROYEZ-MOI JE SUIS LA LOI

Oressé sur ses sandales
Mais ses jambes sont des serpents
Haut comme une cave
L'arbitre
Sa bouche fait des tours
Se plaint
Il voulait les bijoux
Le trésor
Il a eu le poison

Qu'il prenne donc le deuil
De lui-même
Cet incurable
Toutes ses cordes sont cassées
Qu'il tombe ce crépuscule
Dans la rivière sourde
De ce temps noir

Il n'y comprend plus rien
Il connaissait pourtant
Ce qui doit être connu
Et la pratique
Il parle à son tour d'injustice
De vulgaire convoitise
De tyrannie de barbarie
Mais les mots sont désarmés

Ce modèle a fait
Son temps parmi nous
Ce souverain négatif
Couple manchot curieux corps
Se répète une dernière fois
Il diminue
Sa face sacrée s'étale
Plus bas que terre

Dans nos yeux un seul frisson
Un sourire éteint l'arbitre
Celui qui voulait unir
Tout en laissant à sa place
Chaque partie de ce tout

Dans nos yeux un seul frisson
Et tout a pris toute la place

PAUL ELUARD

INTERVENTION A PROPOS DE JARRY

Il ne saurait être mis en doute, au cours de cette intervention, la très chrétienne sainteté de Judas qui a poussé l'abnégation jusqu'à revêtir aux yeux du monde croyant le masque du traître, du pécheur parmi les pécheurs, dans le but unique et préalablement déterminé de permettre que s'accomplissent les écritures. Ainsi se charge de toutes les laideurs, de toutes les monstruosités du monde vivant le personnage parfaitement rond et poli d'être de toutes parts rugueux de Monsieur Ubu, les pieds plantés dans toutes les Polognes.

Au travers de cette énorme lentille, Jarry se plaît d'être une perpétuelle hallucination, c'est-à-dire une perception faible et c'est pourquoi nous acceptons qu'Ubu estompe à nos regards Jarry qui l'a enfanté.

Monsieur Ubu est comte du Pape, bien entendu. Monsieur Ubu ne conçoit pas les chemins de fer dans leur possible utilité. Monsieur Ubu grignote ses ennemis. Monsieur Ubu pèse lourd sur l'empire colonial et l'oppresse, c'est-à-dire l'opprime. Monsieur Ubu est féroce sans subtilité ; il n'est pas vraiment cruel ; sa méchanceté est plutôt de la violence. Monsieur Ubu est une géniale intelligence intestinale. Il gouverne comme on nous gouverne. Comme le dirait Jarry, il gouverne avec ses « instintestincts ». Pour nous aujourd'hui, il ne s'agit pas de révéler Jarry, en présentant ses oeuvres les moins connues ou les moins inconnues. Cela est bien indifférent à Jarry et à nous-mêmes : il est mort et nous sommes vivants. C'est tout simplement une déclaration de guerre, un acte de rupture que nous voudrions le plus décisif possible, et une promesse d'agression à brève échéance.

Ubu enchaîné est un ferment de révolte permanente, mais la ligne constante de la philosophie du père Ubu nous inciterait au désespoir si, par ailleurs, Jarry n'affirmait une volonté consciente de passer outre, si l'épigraphe même de la pièce ne nous laissait entrevoir un devenir nécessaire, enfin si nous ne voulions pas utiliser la force destructive systématique, la dynamite Ubu, à briser durablement une trop complaisante sérénité. J'insiste sur le fait qu'Ubu enchaîné, qui n'apporte aucune conclusion ou solution concrète, et dans lequel triomphent unilatéralement les puissances inférieures, ruine les choses établies et, de ce fait, doit servir de départ à notre action et non d'aliment à notre scepticisme.

Il y est vertement critiqué une démocratie réduite à des formules mystiques, une république simplement formelle, les actes de foi aveugle que sont devenus les anciens droits de l'homme et du citoyen, enfin tout un aspect dérisoire et figé de ce qui est notre existence même, mais cette critique doit avoir pour effet de susciter en nous « l'exaltation morale, sans laquelle la vie ne sera pas rendue à la véritable liberté », de faire revivre dans toute leur violente apothéose les principes mêmes d'une révolution humaine, souillés, pourris, par plusieurs lustres de stagnation et de réaction.

Et pour qu'aucune équivoque ne soit possible, et parce que l'accent d'Ubu enchaîné porte particulièrement sur le régime existant, n'attaquant que fragmentairement - avec tout le mépris suffisant mais sans insistance - l'étroite sottise du royalisme, l'abcès purulent de la phynance, le gâtisme de la justice bourgeoise, c'est-à-dire toute la merdre, le contenu le plus volontaire de cette déclaration sera qu'aucune abjection n'est de loin comparable pour nous à l'à-droite-droite militaire que voudrait nous imposer la bouffonnerie tragique des Césars délirants !

En ce moment particulièrement saisissant de la destinée humaine, il est nécessaire d'avoir devant les yeux la gidouille pleine de nauséabonde gloire de ce père Ubu qu'il nous faudra bien un jour assassiner dans la lumière.

Ubu combat sans courage mais avec insolence et succès tous les mythes du monde bourgeois et avant tout celui de la liberté conçue dans la nécessité sociale. Mais c'est parce qu'il possède au plus haut degré les qualités de la bourgeoisie dirigeante qu'il gagne : il est plus avare que ses pairs, plus égoïste, plus brutal, plus envieux, plus obscène, plus têtu, plus coléreux, plus impérieux.

Devant lui ne se trouvent que ses disciples, ses zélateurs et la foule des imbéciles, badauds et jobards qui viennent voir décerveler avec un secret désir d'être décervelés à leur tour « pour voir ». - Ubu triomphant n'a plus d'autre royaume à protéger que sa giborgne, plus d'autre maître que son ventre grossissant. - « Je m'aperçois, dit-il, que ma gidouille est plus grosse que toute la terre et plus digne que je m'occupe d'elle - c'est elle que je servirai désormais ». - Chemin faisant, il nous apprend l'histoire contemporaine, parce qu'avant tout il est franc, il est sans psychologie, et c'est pourquoi il est Ubu le magnifique, Ubumagnus, Ubu l'homme de gouvernement. Belle leçon de choses !

SYLVAIN ITKINE

(Fragment d'un Essai à paraître.)

DOME DE VAUTOURS

Belle comme la clinique de Charcot
Trésor des nouveau-nés des sorcières en fuite

Le conciliabule des oiseaux assassins
L'appareil ancien de ces mines
J'avais prévenu cette jeune bête aux oreilles de soufre
Tous les oiseaux ensemble ne suffiront pas au supplice

Hermaphrodite
Se fécondant soi-même
Ubu-Dieu
Les arches de l'aube le soutiennent
Les chevreuils le saluent d'une aile
Les pieds magiques de la femme se ramifient dans l'ombre

Troisième et définitif démembrement de la Pologne

Tous mourront par un soleil vert
Dans les cheveux du bord crépusculaire de l'objet aimé.

GILBERT LÉLY

VIVE L'ARMERDRE

Si tant est que l'oeuvre de Jarry soit métaphysique au premier chef, dialectique en ce qu'elle entraîne l'esprit à la découverte de sens multiples, rares, divers, contradictoires et cachés, il apparaît que sa signification la plus immédiatement accessible, sans doute pas la plus merveilleuse, mais à mon goût la plus méritoire, est une subversion d'une remarquable valeur objective :

Vive l'armerdre !

Encore que l'action d'Ubu enchaîné ne se passe nulle part, c'est-à-dire partout et toujours, c'est-à-dire jamais, ce hourrah à l'accent rimbaldien le plus authentique, est situé dans l'espace et le temps d'une façon singulièrement précise :

Quand paraît Ubu enchaîné, en avril 1900, toute actuelle est encore la scène ridicule du 23 février 1899 : Déroulède s'élançant à la bride du cheval : « Suivez-nous, mon Général, c'est pour la France ! », tandis que la foule des patriotes hurle « Vive l'Armée ! » à perdre l'âme.

HENRY PASTOUREAU

LE MOT DE PASSE

A l'instant précis où le bandit-à-idées extrait de sa poche-à-cul le fusilmitrailleur aux bandes momificatrices et qu'il appuie son instrument sur la bouzine du garçon de recettes, disparaît à l'horizon l'as de Faustroll emportant à son bord les chaînes de la liberté et les joies de l'esclavage. Et lorsque l'employé de banque fait sang de toutes parts, le hardi criminel exprime sa satisfaction par : « merdre ! ».

Ce mot, c'est à tort qu'on a voulu en faire une exclamation désappointée, alors que l'homme n'atteint au plus haut développement de sa personnalité que lorsqu'il est capable de le faire sonner clairement aux oreilles terrifiées des pères et des chefs. Au heurt prolongé des lettres qui le composent, tombent les chaînes, s'écroulent les barrières, fondent les bâillons et le P. U. le sait qui se refuse lorsqu'il veut être esclave à l'employer une seule fois.

Et comme les postures passionnelles se comptent par 32, il y a différentes façons de prononcer le mot tout de révolte et de défi, mais la plus remarquable me paraît être celle constituée par la pessimiste histoire gaie suivante :

Un homme entre dans un café, choisit une table faisant face à un grand miroir, s'assied et commande une consommation qu'il ne touche pas. Les doigts entrelacés, il fait de ses mains un coussin à son menton et contemple avec un vif intérêt le miroir jusqu'au moment où il juge avoir suffisamment attiré l'attention. Il appelle alors le garçon et s'enquiert du prix d'une pareille glace. A la réponse du garçon, il place quelques billets de banque sur le marbre, sort un revolver de sa poche et détruit le miroir à coups de feu. Puis, se tournant vers le comptoir, il jauge le gros homme qui s'y tient et articule : « Et un patron comme celui-ci, COMBIEN ? »

Les balbutiements et les mots étouffés des déclarations d'amour, le « Ah ! Ah ! » de Bosse de Nage, quintessence de culture, « Merdre » pour les relations humaines, voilà le seul vocabulaire valable, lorsque sombrent sous les éclairs les notions pestilentielles et maudites d'obéissance et d'autorité.

LÉO MALET

ACTUALITÉ DE JARRY

Il sied, en évoquant Alfred Jarry, Henry Monnier ou quelques autres, de disserter sur le mythe et la nature anthropophagique de cette création qui se nourrit de son auteur. Tout cela est bel et bon mais n'implique pas nécessairement la vitalité du mythe envisagé. Or - et c'est ce qui nous importe - la pièce qu'il composait, âgé de quinze ans, pour une scène de marionnettes, Jarry l'eût pu voir, à soixante, tenir sans relâche la scène du monde.

Car Ubu n'est pas un mythe périmé, mais le prototype moderne du Dictateur : et voici de toutes parts, entre deux guerres, les dictateurs éclore d'une prodigieuse génération spontanée. Le personnage d'Ubu roi scandalisa Paris, dit-on, en 1896. Quarante ans plus tard, d'autres Ubus, en chair et en bottes, asservissent impudemment les peuples. Sans effort, calquées l'une sur l'autre, Leurs Excellences prennent la pose. Au moral : appétits, férocité, cynisme. Au physique : carrure, vulgarité, mâchoires. Un masque à gaz là-dessus, et la ressemblance avec le Père Ubu devient criante : tel père, tels fils. Mais pareil don de prévision ne consacre-t-il pas, en Jarry, le poète ?

Il n'en est pas moins vrai que son imagination, si inventive soit-elle, le cède à la présente réalité. Pauvre petite machine à décerveler de la rue de l'Echaudé !

Voyez, voyez la machin' tourner,
Voyez, voyez la cervell' sauter,
Voyez, voyez les Rentiers trembler...

Aimables jeux de quartier ! Plaisantes récréations dominicales ! Idyllique spectacle d'un âge sans cinéma ! Pour aller voir ça, qui se dérangerait aujourd'hui ? Aujourd'hui où sont offerts, aux populations émerveillées, les exploits des tanks en licence de rues... Tanks, femelles aptères, encore mal dégagées de la chenille et dont le mâle ne saurait être que ce monstrueux bombyx, l'avion de bombardement... Et cette faune d'acier, au sang d'huile lourde circulant dans un coeur motorisé, cette ménagerie apocalyptique obéit docilement aux Ubus déchaînés.

Désormais Ubu, ayant trop beau jeu, ne s'enchaînera plus lui-même. En rébellion permanente contre l'humanité, il déclare rebelle quiconque lui résiste. Sadique meurtrier, il condamne à mort quiconque respecte la vie. Cannibale par tempérament, il engrosse tous les ventres ; et une puériculture appropriée, suivie d'un dressage rationnel, lui assure une réserve inépuisable de chair humaine, méthodiquement décérébrée. Cet état de choses peut se prolonger, comme, au contraire, la catastrophe terminale se précipiter... Le sort du monde dépend en somme de l'insanité - physique ou mentale - d'un tyran.

En attendant l'incertain dénouement, il est satisfaisant pour l'esprit qu'Ubu enchaîné soit représenté en un temps si profondément contradictoire. Comme jadis d'Ubu roi, vont donc en émaner une irrévérence totale, une dérision parfaite, qui souffletteront, avec toute l'inopportunité désirable, les hideuses « Personnalités de respect » que les troupeaux humains vénèrent.

MAURICE HEINE

[22 septembre 1937]