Littérature n° 17, décembre 1920
SOMMAIRE | |
Louis Aragon | Y at-il encore des gens qui s'amusent dans la vie ? |
DIVERS | Procès-verbal. |
Jacques Rigaut | Je serai sérieux comme le plaisir.... |
Germain Dubourg | Projet de réforme des habitations. |
Pierre Drieu la Rochelle | Plus d'interrogations, oui mes garçons.... |
André Breton | Dada n'est pas mort. |
Soubeyran Voyage | Poèmes. |
Paul Eluard | Il y a longtemps qu'on a indiqué.... |
Louis Aragon | Avez-vous vu dans les journaux l'histoire.... |
Bernard Fay | Une revue qui portant autant d'intérêt.... |
Clément Pansaers | Morts. |
CHRONIQUE |
AU SANS PAREIL, 37, AVENUE KLÉBER, Paris (16e)
TÉLÉPHONE : PASSY 25-22
MARCEL WILLARD
TOUR D'HORIZON
avec cinq dessins en hors texte de RAOUL DUFY,
tirés à la presse à bras par A. JOURDE,
Un volume in-16 jésus, tiré à 353 exemplaires, dont 5 sur Japon (souscrits) ;
32 sur Hollande (30 fr.) ; 325 sur vergé d'Arches (15 fr.)
ANDRÉ BRETON ET PHILIPPE SOUPAULT
LES CHAMPS MAGNÉTIQUES
Un volume in-16 jésus (2e édition) .... 6 fr.
ISIDORE DUCASSE (comte de LAUTRÉAMONT)
POÉSIES
avec une préface de PHILIPPE SOUPAULT.
Un volume in-16 écu sur vélin d'alfa.... 5 fr.
PAUL MORAND
Feuilles de température
Un volume in 16 jésus (2e édition) .... 6 fr.
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LE CUBISME
19, rue de la Baume PARIS (VIIIe)
Paris-Courtrai, IMPRIMERIE JOS. VERMAUT Importé de Belgique.
2e ANNÉE : N° 17
REVUE MENSUELLE
Décembre 1920
LITTÉRATURE
17 Ont collaboré à ce numéro :
LOUIS ARAGON, ANDRÉ BRETON,
PIERRE DRIEU LA ROCHELLE,
PAUL ELUARD, BERNARD FAY,
CLÉMENT PANSAERS,
JACQUES RIGAUT, SOUBEYRAN,
TRISTAN TZARA.
DEUX FRANCS
DIRECTEURS
Louis ARAGON, André BRETON, Philippe SOUPAULT.
Rédaction : 41, Quai Bourbon, Paris (4e).
Administration : AU SANS PAREIL, 37, avenue Kléber, (16e).
PRIX DE CE NUMÉRO :
France : 2 fr. ; - Etranger : 2 fr. 50.
ABONNEMENTS
Les 12 numéros : 20 fr. pour la France ; 25 fr. pour l'Etranger.
Il est tiré à part 10 exemplaires sur Hollande Van Gelder dont l'abonnement est de 60 fr. pour la France ; 80 fr. pour l'Etranger.
(La première année de LITTÉRATURE (12 numéros) : 20 fr.)
AU SANS PAREIL, 37, Avenue Kléber, Paris (16e)
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PROCHAINES PUBLICATIONS
MAX JACOB
Le Laboratoire Central
Un vol. in-18 jésus.
GEORGES RIBEMONT-DESSAIGNES
L'EMPEREUR DE CHINE
Pièce en trois actes.
LE SERIN MUET, un acte.
Un vol. in-18 jésus.
Il a été tiré de ce numéro 10 exemplaires sur Hollande Van Gelder
N°
P. 1
Y A-T-IL ENCORE DES GENS QUI S'AMUSENT DANS LA VIE ?
MM.
Binet-Valmer, Rabindranath Tagore, André Salmon, André Brulé, André Gide, Gustave Téry, Max Jacob, Charles Sancerme, Léon Bailby, Georges Courteline, Maxime Gorki, Romain Rolland, Paul Capellani, André Lhôte, Paul Dardé, Henri de Régnier, F. T. Marinetti, Henri Matisse, Henry Marx, André Paisant, Jean-Louis Vaudoyer, Alexandre Duval, Robert de Souza, Maurice Magre, Marcel Lherbier, Georges Casella, Henri Céard, Frédéric Masson, Jacques Copeau, Pierpont Morgan, Paul Dermée, André Colomer, Maurice de Waleffe, Charles Maurras, Raphaël Duflos, Pierre Benoît, Fernand Divoire, Henri Ghéon, Anatole France, Pierre Decourcelle, André Suarès, Pierre Albert-Birot, Francis de Croisset, Marcel Boulanger, Sacha Guitry, Albert Thibaudet, le Docteur Cabanès, Louis Barthou, Jean Bastia, le soldat inconnu, etc.
S'EN DONNENT A CŒUR-JOIE.
LOUIS ARAGON.
P. 2
PROCES-VERBAL
Les collaborateurs et les directeurs de LITTÉRATURE, soucieux du bon esprit de cette revue, estimant que les derniers numéros peuvent témoigner d'intentions qui ne sont pas les leurs, (doutant en particulier que les recherches verbales les aient jamais intéressés,) tenant à marquer que la publication de LITTÉRATURE n'a rien de commun avec les diverses entreprises d'"avant-garde artistico-littéraire", se sont réunis le 19 octobre au Restaurant Blanc, rue Favart.
Etaient présents : MM. Aragon, Breton, Drieu la Rochelle, Eluard, Hilsum, Rigaut.
MM. Fraenkel et Soupault, excusés, avaient donné respectivement leur voix à MM. Eluard et Breton.
La question de la périodicité a d'abord été envisagée. Il a été décidé à l'unanimité :
1° Que la revue LITTÉRATURE paraîtrait le 1er de chaque mois, les manuscrits étant remis à l'imprimeur le 1er du mois précédent ;
2° que, par nécessité commerciale, la direction s'assurerait à chaque numéro la collaboration d'une notabilité littéraire ou autre, et d'une seule.
3° Une série de questions se sont alors posées :
a. - Va-t-on continuer longtemps à parler des artistes vivants et morts ?
Non, à l'unanimité moins une voix (Aragon s'abstient). En conséquence toute allusion à un fait littéraire au cours d'un texte entraînera le rejet de ce texte.
P. 3
b. - La poésie trouvera-t-elle encore place dans LITTÉRATURE ?
Non, par 6 voix contre 2 (Eluard, Fraenkel).
c. - Sera-t-il permis d'y donner son opinion sur quoi que ce soit ?
Oui, par 6 voix contre 2 (Drieu, Eluard).
d. - La critique y sera-t-elle un but ?
Non, à l'unanimité.
e. - Accepte-t-on d'écrire : 1. pour... et pour... seulement ?
Non, à l'unanimité moins une voix (Drieu).
- parce que... et parce que... seulement ?
Non, à l'unanimité.
- d'écrire à la fois pour... et parce que... ?
Oui, par 6 voix contre 2 (Eluard, Fraenkel qui déclarent n'écrire ni pour... ni parce que...)
f. - Prétend-on écrire : 1. comme on veut ?
Non, par 6 voix contre 2 (Eluard, Fraenkel).
- comme on parle ?
Oui, à l'unanimité.
g. - Le langage peut-il être un but ?
Non, à l'unanimité moins une voix (Eluard).
h. - Après une longue discussion au cours de laquelle on ne parvint pas à s'entendre sur les questions à formuler, l'examen particulier des branches de la philosophie ayant été repoussé (malgré les réserves d'Aragon, de Breton et Rigaut), il a été décidé par 5 voix contre 3 (Aragon, Drieu, Rigaut) qu'aucun texte de nature proprement philosophique ne serait accepté pour LITTÉRATURE.
i. - Tiendra-t-on aussi à l'écart : 1. les spéculations politiques ?
Non, par 5 voix contre 3 (Drieu, Eluard, Soupault).
- les questions sexuelles ?
P. 4
Non, à l'unanimité.
j. - Tout le monde, sans distinction de talent, de profession, d'âge, d'intelligence, de moralité, etc., peut-il être appelé à collaborer à LITTÉRATURE ?
Oui, par 4 voix contre 2 (Drieu, Fraenkel) et 2 abstentions (Aragon, Rigaut).
4° A l'unanimité, les collaborateurs présents ont décidé de se réunir une fois par mois pour établir le sommaire du numéro en préparation. Au cours de ces réunions les manuscrits reçus par la direction seront soumis à l'approbation du nouveau jury ainsi constitué.
(Celui-ci ne se fait aucune illusion sur l'intérêt de ses délibérations. Aucun de ses membres n'admet le principe des comités de lecture ni, naturellement, celui du vote, mais il a en vue une expérience).
Approuvé :
LOUIS ARAGON, ANDRÉ BRETON, PIERRE DRIEU LA ROCHELLE, PAUL ELUARD, THÉODORE FRAENKEL, RENÉ HILSUM, JACQUES RIGAUT, PHILIPPE SOUPAULT.
P. 5
JACQUES RIGAUT
"Je serai sérieux comme le plaisir. Les gens ne savent pas ce qu'ils disent. Il n'y a pas de raisons de vivre, mais il n'y a pas de raisons de mourir non plus. La seule façon qui nous soit laissée de témoigner notre dédain de la vie, c'est de l'accepter. La vie ne vaut pas qu'on se donne la peine de la quitter. On peut par charité l'éviter à quelques-uns, mais à soi-même ? Le désespoir, l'indifférence, les trahisons, la fidélité, la solitude, la famille, la liberté, la pesanteur, l'argent, la pauvreté, l'amour, l'absence d'amour, la syphilis, la santé, le sommeil, l'insomnie, le désir, l'impuissance, la platitude, l'art, l'honnêteté, le déshonneur, la médiocrité, l'intelligence, il n'y a pas là de quoi fouetter un chat. Nous savons trop de quoi ces choses sont faites pour y prendre garde ; juste bonnes à propager quelques négligeables suicides-accidents. (Il y a bien, sans doute, la souffrance du corps. Moi, je me porte bien : tant pis pour ceux qui ont mal au foie. Il s'en faut que j'aie le goût des victimes, mais je n'en veux pas aux gens quand ils jugent qu'ils ne peuvent endurer un cancer). Et puis, n'est-ce pas, ce qui nous libère, ce qui nous ôte toute chance de souffrance, c'est ce revolver avec lequel nous nous tuerons ce soir si c'est notre bon plaisir. La contrariété et le désespoir ne sont jamais, d'ailleurs, que de nouvelles raisons de s'attacher à la vie. C'est bien commode, le suicide : je ne cesse pas d'y penser ; c'est trop commode : je ne me suis pas tué. Un regret subsiste : on ne voudrait pas partir avant de s'être compromis ; on voudrait, en sortant, entraîner avec soi Notre-Dame, l'amour ou la République.
Le suicide doit être une vocation. Il y a un sang qui tourne et qui réclame une justification à son interminable circuit. Il y a dans les doigts l'impatience de ne se serrer que sur le creux de la main. Il y a le prurit d'une activité qui se retourne sur son dépositaire, si le malheureux a négligé de savoir lui choisir un but. Désirs sans images. Désirs d'impossible. Ici se dresse
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la limite entre les souffrances qui ont un nom et un objet, et celle-là, anonyme et autogène. C'est pour l'esprit une sorte de puberté, ainsi qu'on la décrit dans les romans (car, naturellement, j'ai été corrompu trop jeune pour avoir connu une crise à l'époque où commence le ventre) mais on en sort autrement que par le suicide.
Je n'ai pas pris grand chose au sérieux ; enfant, je tirais la langue aux pauvresses qui dans la rue abordaient ma mère pour lui demander l'aumône, et je pinçais, en cachette, leurs marmots qui pleuraient de froid ; quand mon bon père, mourant, prétendit me confier ses derniers désirs et m'appela près de son lit, j'empoignai la servante en chantant : Tes parents faut les balancer, - Tu verras comme on va s'aimer... Chaque fois que j'ai pu tromper la confiance d'un ami, je crois n'y avoir pas manqué. Mais le mérite est mince à railler la bonté, à berner la charité, et le plus sûr élément de comique c'est de priver les gens de leur petite vie, sans motifs, pour rire. Les enfants, eux, ne s'y trompent pas et savent goûter tout le plaisir qu'il y a à jeter la panique dans une fourmilière, ou à écraser deux mouches surprises en train de forniquer. Pendant la guerre j'ai jeté une grenade dans une cagna où deux camarades s'apprêtaient, avant de partir en permission. Quel éclat de rire en voyant le visage de ma maîtresse, qui s'attendait à recevoir une caresse, s'épouvanter quand je l'ai eu frappée de mon coup de poing américain, et son corps s'abattre quelques pas plus loin ; et quel spectacle, ces gens qui luttaient pour sortir du Gaumont-Palace, après que j'y eus mis le feu ! Ce soir, vous n'avez rien à craindre, j'ai la fantaisie d'être sérieux. - Il n'y a évidemment pas un mot de vrai dans cette histoire et je suis le plus sage petit garçon de Paris, mais je me suis si souvent complu à me figurer que j'avais accompli ou que j'allais accomplir d'aussi honorables exploits, qu'il n'y a pas là non plus un mensonge. Quand même, je me suis moqué de pas mal de choses ! D'une seule au monde, je n'ai réussi à me moquer : le plaisir. Si j'étais encore capable de honte ou d'amourpropre, vous pensez bien que je ne me laisserais pas aller à une si pénible confidence. Un autre jour je vous expliquerai pourquoi je ne mens jamais : on n'a rien à cacher à ses domestiques. Revenons plutôt au plaisir, qui, lui, se charge bien de vous rattraper et de vous entraîner, avec deux petites notes
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de musique, l'idée de la peau et bien d'autres encore. Tant que je n'aurai pas surmonté le goût du plaisir, je serai sensible au vertige du suicide, je le sais bien.
La première fois que je me suis tué, c'est pour embêter ma maîtresse. Cette vertueuse créature refusa brusquement de coucher avec moi, cédant au remords, disait-elle, de tromper son amant-chef d'emploi. Je ne sais pas bien si je l'aimais, je me doute que quinze jours d'éloignement eussent singulièrement diminué le besoin que j'avais d'elle : son refus m'exaspéra. Comment l'atteindre ? Ai-je dit qu'elle m'avait gardé une profonde et durable tendresse ? Je me suis tué pour embêter ma maîtresse. On me pardonne ce suicide quand on considère mon extrême jeunesse à l'époque de cette aventure.
La deuxième fois que je me suis tué, c'est par paresse. Pauvre, ayant pour tout travail une horreur anticipée, je me suis tué un jour, sans convictions, comme j'avais vécu. On ne me tient pas rigueur de cette mort, quand on voit quelle mine florissante j'ai aujourd'hui.
La troisième fois... je vous fais grâce du récit de mes autres suicides, pourvu que vous consentiez à écouter encore celui-ci : Je venais de me coucher, après une soirée où mon ennui n'avait certainement pas été plus assiégeant que les autres soirs. Je pris la décision et, en même temps, je me le rappelle très précisément, j'articulai la seule raison : Et puis, zut ! Je me levai et j'allai chercher l'unique arme de la maison, un petit revolver qu'avait acheté un de mes grand-pères, chargé de balles également vieilles. (On verra tout à l'heure pourquoi j'insiste sur ce détail). Couchant nu dans mon lit, j'étais nu dans ma chambre. Il faisait froid. Je me hâtai de m'enfouir sous mes couvertures. J'avais armé le chien, je sentis le froid de l'acier dans ma bouche. A ce moment il est vraisemblable que je sentais mon cœur battre, ainsi que je le sentais battre en écoutant le sifflement d'un obus avant qu'il n'éclatât, comme en présence de l'irréparable pas encore consommé. J'ai, pressé sur la gachette, le chien s'est abattu, le coup n'était pas parti. J'ai alors posé mon arme sur une petite table, probablement en riant un peu nerveusement. Dix minutes après, je dormais. Je crois, que je viens de faire une remarque un peu importante, si tant est que... naturellement ! Il va de moi que je ne songeai pas un instant à tirer une seconde balle. Ce qui importait,
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c'était d'avoir pris la décision de mourir, et non que je mourusse.
Un homme qu'épargnent les ennuis et l'ennui, trouve peut-être dans le suicide l'accomplissement du geste le plus désintéressé, pourvu qu'il ne soit pas curieux de la mort ! Je ne sais absolument pas quand et comment j'ai pu penser ainsi, ce qui d'ailleurs ne me gêne guère. Mals voilà tout de même l'acte le plus absurde, et la fantaisie à son éclatement, et la désinvolture plus loin que le sommeil et la compromission la plus pure."
GERMAIN DUBOURG
PROJET DE RÉFORME DES HABITATIONS
I. - L'HABITATION. Maison. 1. Maisons en ciel et terre. La décoration sentimentale. - 2. Expression de la façade ; signification des terrasses. - 3. Extérieur d'une maison, c'est-à-dire les plumes. - 4. Plan des habitations, miroir pour s'y reconnaître. - 5. Verrous, secret professionnel. Les meubles : 6. Chaises vivantes, tentures de caresses, lits en oiseaux captifs. - 7. Diverses sortes de siège, leur décoration sanglante. - 8. Chaises à pieds d'animaux. - 9. Chaises négresses. - 10. Fauteuils. - 11. Fauteuils boxeurs. - 12. Pliants et tabourets d'eau. - 13. Lits sourds-muets. - 14. Lits de sommeil avec rêves en baudruche. - Les tables. 15. Leurs forme, ornementation, matière, importance. - 16. Tables morales. - 17. Tables-cinéma avec vues suggestives. - 18. Tables lumineuses pour l'amour. Jardins : 19. Description générale. - 20. Pièces d'eau. - 21. Arbres humains touchant les promeneurs. - 22. Buis en fil de fer. - 23. Plantes caustiques. - 24. Plantes électrisantes. - 25. Fleurs parlantes. - 26. Bancs à ressorts. - 27. Kiosques de cheveux.
II. - LES PARTIES DE L'HABITATION. Le vestibule : 1. Entrées-baignoires. - 2. Portes en lames de rasoir. - 3. Charnières
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logiques. - 4. Portes intérieures ne laissant passer que les femmes. - 5. Portes intérieures ne laissant passer que les cœurs purs. - 6. Sonnettes éclairantes. - 7. Les couloirs (tous modèles, du couloir guet-apens au couloir baiser, en passant par les couloirs bascule, saut à la corde, course, chûtes, tempêtes, coups de poing, blessures, douches, feu, forêt, mirliton, claxon, saignement de nez, etc.) - 8. Le concierge monté sur roulement à billes, conduite intérieure, mise en marche automatique. - 9. Le même, sans soupape. - 10. Chien de garde, 4m50 de long sur 0m30 de large, en acier recuit, avec dents de scie, sachant au besoin tenir les comptes du ménage. Les salons : 11. Salon pour boire. - 12. Salon pour rire. - 13. Salon pour hocher la tête. - 14. Salon pour la cruauté. - 15. Les amis, les réceptions, les toilettes à avoir peur. - 16. Les tableaux qui grattent les têtes en pensant à autre chose. Les appartements particuliers : 17. Chambres à mourir. - 18. Chambres à naître. - 19. Chambres à désirer. - 20. Les salles de bains (chauffe-évidence, appareil à crier, robinet à nationalité chaude, brosses-poumons, ventouses à idées noires, lime à cœur). Chambres de service : 21. Chambres dans les cheminées. - 22. Chambres dans les lustres. - 23. Escaliers menant directement aux lits des servantes jeunes et jolies. La disposition des pièces : 24. Plan fixe. - 25. Variable suivant l'humeur. - 26. Plan continuellement mobile.
III. - CHAUFFAGE ET ÉCLAIRAGE. Les fourneaux : 1. Fourneaux mobiles et gais comme des pinsons. - 2. Réchauds à regards. - 3. Bains-Marie pour le silence. - 4. Mode d'emploi du fourneau Silili-Labère. Les lampes : 5. Lampes noires. - 6. Leur emploi. - 7. Lustres à métamorphoses. - 8. Ampoules élastiques. - 9. Rampes sans fin. - 10. Appliques capricieuses. - 11. Phares à roulettes pour vieillards. - 12. Projecteurs pour myopes. Les appareils de chauffage : 13. Briquettes reptiles. - 14. Radiateurs répondant quand on les appelle. - 15. Bouches d'été. - 16. Bouches d'hiver. - 17. Bouches d'automne. - 18. Bouches de bonheur.
IV. - LES INSTRUMENTS DE MUSIQUE. Instruments à cordes : 1. Métiers. - 2. Potence. - 3. Pendu. - 4. Chevelures. - 5. Guitare. - 6. Toiles d'araignées. Instruments à vent : 7. Arbres. - 8. Dédains. - 9. Le souffle de l'incendie sur le
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visage des sauveteurs. - 10. Le borbomyzan. - 11. Le pouhpouh. - 12. La manière de s'en servir. Instruments de percussion : 13. Les colliers musicaux. - 14. Le tambour caffre. - 15. La tête-à-giffles. Hors série : 16. Le phonographe.
PIERRE DRIEU LA ROCHELLE
"Plus d'interrogations, oui, mes garçons. Il est lâche d'interroger, c'est une façon de ne pas répondre. Comme de parler de la pluie ou du beau temps au lieu de dire d'un livre s'il est bon ou mauvais.
Mais il y a des questions qui engagent et des réponses qui dérobent.
"Compromettez-vous," m'exhortait le jeune chef d'une ligue bruyante et discordante comme un orchestre à la mode.
En nouant cette ligue, ils avaient inventé, ce qui reste toujours amusant, d'appeler, de dénoncer par son nom quelque chose qui existe depuis longtemps.
Jusqu'à eux, un parti était un rassemblement d'individualistes qui s'affublaient d'une idée, qui masquaient des plus sérieux prétextes doctrinaux leur seule, leur bonne raison de se mettre ensemble : être contre les autres, élever à l'unisson un grand cri pour étonner la foule, confondre les rivaux, effrayer les vieux. C'est une tradition constante et monotone depuis la Pléiade. D'une génération à l'autre, on retrouve les mêmes rôles distribués de la même façon. Sans tomber dans la sottise des analogies, on remarque par exemple quelque chose de commun entre Hugo et Ronsard : ils sont tous deux de l'espèce des bons gros génies qui, avec le lait des muses, savent faire leur beurre.
Mais à cette heure-ci, nous sommes tous conscients comme le prolétaire et nous n'avons plus d'autre invention ou mélange détonnant sous la main que d'appeler les choses par un autre nom.
C'est ainsi que mon apôtre de la compromission fonda la ligue des garçons qui n'ont pas d'opinion et qui les ont toutes.
P. 11
C'était simplement éventer le secret de toutes les écoles.
De même, les révolutionnaires du XXe siècle ont découvert que leur gouvernement serait une dictature et ils ont conclu, étonnés de leur audace, que tous les gouvernements, peut-être, avaient été, étaient et seraient éternellement des dictatures.
Notre naïveté à nous autres gens de notre siècle est le seul chef-d'œuvre d'architecture que nous ayons encore réussi. Les hommes de 1550, de 1660, de l'Encyclopédie (c'est ce qu'on a fait de mieux d'arranger une combine pour fabriquer un dictionnaire) de 1830, de 1890 avaient, eux, une opinion. Du moins le proclamaient-ils ; ils simplifiaient. Ils n'en avaient pas une, ils en avaient dix.
Plus l'opinion mise en avant devenait tyrannique, plus la trahir devenait nécessaire.
Le... isme mène à tout, il suffit d'en sortir...
Aujourd'hui, pour ne pas avoir à sortir, on n'entre pas.
La ligue nouvelle campe en plein air devant les portes qui se ferment sur les chapelles.
La grande église de leurs trente ans en sera peut-être plus vaste.
Puisque je suis encore à mon point de départ, je déclare que j'y reviens.
Donc à mon bon apôtre je répondis : "Je veux bien me compromettre. Mais on ne peut se compromettre que seul. Comment voulez-vous vous compromettre à vingt ? C'est un "qui perd gagne" de farceurs, surtout quand on reste dans les généralités
Il y a forcément quelque chose dans le ventre du Dada, bien que vous disiez qu'on y peut tout trouver ce qui voudrait dire : rien. C'est un mouvement moral.
D'ailleurs on n'y échappe pas : il y a toujours un jugement moral sous-entendu dans un jugement intellectuel. Le professionnel soi-disant amoral qui dit d'un livre : c'est bien ou c'est mal, est semblable au magistrat qui condamne à la vie ou à la mort. Et réduire la morale à la sincérité, ce n'est nullement diminuer son empire.
Il n'y a pas de morale dans le vide : rien de plus concret que cet art des mœurs, il n'y a qu'un moyen de faire de l'action morale, c'est de faire des personnalités.
P. 12
DADA
n'est pas mort
PRENEZ GARDE A VOTRE PARDESSUS
ANDRÉ BRETON.
P. 13
Marquez vos hommes.
Ah ouiche ! on aime mieux s'en prendre aux choses, dans l'espèce c'est tout au plus les portes ouvertes.
SOUBEYRAN VOYAGE
I. Le temps
Quel temps fait-il ?
Il fait froid.
Il fait chaud.
Nous pouvons sortir et faire une promenade.
Je ne veux pas sortir par ce temps-là.
Je crois que nous aurons de la pluie.
Au contraire, il fait très beau.
Oui, je crois qu'il pleut.
Il pleut. Il vente.
Il tonne. Il gèle.
Il neige. Il grêle.
Il fait des éclairs.
Le ciel est clair.
Le ciel est couvert.
Quelle heure est-il ?
Il est midi.
Il est minuit.
Il est midi et dix minutes.
Une heure.
Une demi-heure.
Un quart d'heure.
II. La conversation
Je veux faire une promenade.
Voulez-vous m'accompagner ?
Très volontiers, Mademoiselle.
P. 14
Est-il permis de vous accompagner ?
Avec le plus grand plaisir, Monsieur.
Mes compliments à votre chère amie.
Au plaisir, Mesdames.
Quand viendrez-vous nous voir ?
Je viendrai vous voir demain vers le soir.
A quelle heure ?
Après le souper, vers les huit heures.
Votre ami viendra-t-il ?
Mon ami ne parle pas l'italien.
Ça ne fait rien.
Mademoiselle N., est-ce qu'elle sera dans votre société ?
Je ne vous ai pas vu depuis longtemps.
Vous venez chez moi si rarement !
Nous nous reverrons ce soir.
Mon mari a fait un voyage avec son frère et sa sœur.
Nous avons eu aujourd'hui une chaude journée.
Je suis fatigué.
Nous avons une belle nuit ?
III. Le langage
Parlez-vous le français ?
Parlez-vous l'allemand ?
Je suis ici depuis quelques jours seulement,
depuis quelques semaines,
depuis quelques mois.
Le pays, oh il est magnifique, je désirerais rester pour toujours dans ce pays.
Voyagez-vous pour votre plaisir ?
Je ne le sais pas encore.
Je veux passer l'hiver à la Riviera.
Vous faites de très belles poésies.
Vous en ferez de parfaitement belles dans quelques mois.
Comment avez-vous fait pour fairede si belles poésies ?
J'ai acheté un livre pour un franc ; il m'a rendu de grands services.
P. 15
Ce livre contient tout ce dont on a besoin pour la vie pratique.
Dormez bien. Je vais faire une promenade.
IV. Salutations
Merci, Monsieur, ça va bien.
PAUL ELUARD
"Il y a longtemps qu'on a indiqué comme règle d'une saine discussion la définition des termes dont on se sert. Or, rien n'est mieux défini que les mots : patrie et patriote, qui tiennent aujourd'hui une place dans les discussions.
Des nations sont plus ou moins importantes, plus ou moins intéressantes. Elles ne réclament pas toutes de leurs citoyens un sacrifice constant. Tout homme a une patrie, tout homme est patriote. Il semble qu'on l'ait dit depuis longtemps. Mais cela se dit surtout depuis la guerre.
Toute Nation est un Etat, tout Etat est une Nation. Il y a des Etats comme la France, comme l'Autriche, des Nations comme l'Autriche, comme la France et comme l'Angleterre-Etat.
Il ne faut pas oublier la Pologne qui fait des efforts pour devenir un Etat après avoir été une Nation.
Le sol, les traditions, les mœurs et la langue ont leur part dans la justification de l'idée de Patrie. Une langue est un trésor dissimulé par les hommes. Le sol, avec son houblon grimpant au nord, ses champs de pommes de terre et au sud ses oliviers et ses orangers, est cultivé avec le même acharnement depuis des siècles.
On rencontre dans les villes et les villages le sentiment patriotique local, des types d'humanité bien différents et les
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N° 4334
LES PATRONS FAVORIS
MODE NATIONALE
ROBE
Formant poches évasées
Pour fillette 11 à 13 ans
1 M. 45 EN 140
P. 17
patois les plus variés. La façon de vivre est l'expression la plus nette de l'activité des habitants désireux de vivre ensemble, de mettre en commun joie et peines, chagrins et tourments. On a pu dire l'unité d'une race indispensable à l'unité d'une patrie, qu'un grand fleuve est la meilleure des frontières et aussi que les besoins de l'homme varient avec les changements de lune, rien ne réalise mieux l'accord que le souvenir du passé : l'Histoire.
LOUIS ARAGON
"Avez-vous vu dans les journaux l'histoire de la machine à communiquer avec les esprits ? C'est assez drôle parce que le nom d'Edison force tout le monde à s'en occuper. Le scepticisme paraît ici une des formes les plus complètes de la bêtise, ce qui ne veut pas dire autre chose. Edison doit être très vieux maintenant : c'est sa façon à lui de faire le sceptique.
Monsieur Millerand à Strasbourg, je relève cette phrase dans un bulletin paroissial, déclarait il y a quelques mois : "Il n'y a pas de corporation si intéressante soit-elle qui ait le droit de se dresser contre la nation." Je n'ai (en rapportant ce propos banal) en vue que les intellectuels. A vrai dire, la nation m'a tout l'air elle aussi d'une corporation. Nous sommes toujours en lutte contre une corporation plus grande que la coterie à laquelle nous appartenons. Je crois bien que nous faisons nos petits Edison tous les jours du bon Dieu. Et Monsieur Branly, c'est la concierge ou notre supérieur hiérarchique, vous par exemple.
Le prêtre compromis dans l'affaire des bandits en auto, nous rapportent les journalistes, passait sa vie dans les bars du quartier Italie. Il y a des gens pour s'en étonner et d'autres pour l'expliquer. Si ce n'était pas un prêtre, si ce n'était pas Edison, nous n'y ferions pas attention. J'aime beaucoup ces espèces de jeux qu'on trouve dans les bars, ces appareils automatiques P. 18 qui bien des fois absorbèrent mes fins de mois deux sous par deux sous. Au bar du coin de la rue Cujas, il y en a un très beau, très bleu, très compliqué, très sage, avec toutes sortes de manigances singulières. Quand il sent qu'on est en train de le gagner, vlan, il met deux sous de côté. Bref, c'est un appareil diabolique. Il y a beaucoup de gens qui ont du goût pour ces jeux-là, il y a beaucoup de gens qui aiment les femmes ; seulement ils ne l'écrivent pas. Alors personne ne s'en aperçoit. Tout cela (depuis avez-vous vu dans les journaux jusqu'à s'en aperçoit inclusivement) n'est qu'un préambule à certains propos sur l'amour.
L'amour m'intéresse plus que la musique. Ce n'est pas assez dire : en un mot, tout le reste n'est que feuille morte.
J'ai beaucoup aimé une femme parce qu'elle avait donné deux sous à un petit pauvre à condition que celui-ci se rappelât toute sa vie mon nom. Elle sait très bien que cela ne me suffit pas, et que cela ne suffisait pas à la mémoire du mendiant. Mais dans cet acte il y a quelque chose qui m'attache à elle, et qui l'attachait à moi. Un autre jour, elle avait mis un chapeau qui me déplaisait, et je le lui ai dit. Nous avons cessé de nous voir pendant quinze jours. La grande vulgarité de cette anecdote m'a satisfait longtemps. J'y repensais encore le mois dernier, quand un de mes amis me raconta qu'il avait beaucoup désiré une femme parce qu'elle savait s'habiller. Cela me fit rire, ce rire le vexa. Je lui rapportai l'histoire du chapeau et il me dit : "Ce n'est pas tant le chapeau, moi, ce sont les gants." Il faut avouer que je suis battu. Je ne comprends décidément rien aux raffinements.
Je disais donc que nous ne nous intéressons aux goûts des autres pour les femmes que parce qu'ils ont leur nom dans un dictionnaire quelconque, Bottin, histoire de France, etc. Le mot du charretier pourtant a son prix : "Ce qu'il y a d'agréable dans l'amour, c'est qu'on dort si bien après." Je citais à M. S. celui-ci : "Je confondais l'odeur des fourrures avec l'odeur des femmes." Sur le moment j'ai trouvé très mal que ça n'ait pas l'air de le frapper. Je le comprends mieux au second abord. La sensualité des autres ne vaut pas pipette. Remarquez bien que jamais nous n'interrogeons nos amis sur leurs aventures que pour nous donner l'occasion de raconter les nôtres. Ça n'a l'air
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de rien ce que je dis là, mais ça prouve tout simplement l'inutilité complète de la poésie.
Me voilà entraîné un peu loin de mon sujet, la machine à communiquer avec les esprits ; mais ce sujet est tellement vaste qu'on y retombe des deux pieds. J'étais en train de parler de l'inutilité de la poésie : il ne faut rien exagérer. Il y a toujours en elle, quand elle est de bonne qualité, cette forte faculté de crétiniser qui fait son charme, celui de la musique, des jeux de hasard, de la vie. Mais la meilleure machine à abêtir est l'amour comme on peut le remarquer sans peine. Le charretier dont il était question interprétait mal une sensation assez commune : ce n'est pas le sommeil qui est doux, c'est ce petit vide, ce moment où l'on ne trouve plus rien à dire. Puisque j'en suis à rapporter des propos, je citerai encore celui-ci, d'un littérateur : "L'amour, c'est toujours mal écrit." Sur ce point nous sommes d'accord, mais à moi c'est précisément ce qui m'y plaît. J'entends que j'aime surtout cette activité mentale, de sang-froid indéfendable, par laquelle les amants se forcent à tout admirer, à rire des mêmes choses, à s'approuver mutuellement hors de toute nécessité et même vraisemblance. Ce qui vient de la femme, je le trouve à priori charmant, et je disais se forcent par impropriété de terme : c'est tout naturel, l'esprit critique n'a pas de part ici. Il n'y a rien d'héroïque au cas de ce Joyeuse qui portait sur soi des excréments de sa maîtresse dans un petit sac. Nous en faisons tous autant. Un de mes amis qui désire garder l'anonymat comme on dit me confiait qu'aux premiers temps qu'il lui arrivait de sortir avec une femme, il ne savait quel prétexte invoquer s'il avait besoin de la quitter pour quelque raison naturelle. On reconnaît là ce qu'est la puérilité en amour, et ce que veut dire cette histoire de fourrures. J'ai eu pour sous-officier instructeur une sorte de type moustachu qui disait en nous faisant patauger dans la boue : "N'ayez pas peur de vous salir : plus les hommes sont sales, plus les femmes les trouvent beaux." Il exagérait à peine. Ou plutôt il concluait d'effet à cause de façon à peine illégitime : une femme n'aime pas un homme parce qu'il est sale, mais ne le trouve pas sale parce qu'elle l'aime. Je dois reconnaître que les garçons naïfs qui faisaient l'exercice à mes côtés déniaient toute vérité à ce propos. J'ai déjà dit que je ne crois pas à l'expérience des autres.
L'amertume que certains gens semblent surtout goûter dans
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SOUSCRIVEZ A DADA
(page de publicité entre les pages 19 et 21)
LE SEUL EMPRUNT QUI NE RAPPORTE RIEN
hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle hurle
QUI SE TROUVE ENCORE TRES SYMPATHIQUE
TRISTAN TZARA.
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les rapports amoureux, cette espèce de complaisance à reconnaître sous toutes ses formes un malentendu persistant, me semblent d'assez imbéciles tournures d'esprit. Je crois vraiment très faux ce point de vue du voyeur. J'ai toujours eu l'impression, au moins les premiers temps d'une liaison, de parfaitement comprendre et d'être parfaitement compris. Ce qui m'échappe, c'est le bienfondé de ces dialogues psychologiques dont toute une littérature s'est nourrie et dans lesquels les partenaires monologuent tout le long de l'amour. Je n'aurais certainement jamais découvert ça tout seul. Il en est de même de ce bateau qu'on nous monte au sujet des femmes qui parlent et de celles qui ne parlent pas. C'est sans doute un thème à effet : mais personne ne s'occupe jamais de cela, j'en donnerais ma tête à couper. Il y a aussi une expression assez répandue : "Cette femme là n'est pas mal avec un oreiller sur la figure" qui révèle chez qui l'emploie une singulière aberration, et qui témoigne de l'étonnante fortune de certains mots de collégiens auprès de quelques esprits faibles qui s'en serviront toute leur vie. On raconte comme une merveille que Louis XIV s'amouracha d'une boîteuse. Cela dénote chez les historiens une belle ignorance de leur propre nature. Les difformités ont si peu d'importance que j'en arrive à me demander par quel avatar un type à peu près général de beauté physique a pu se constituer progressivement dans un pays donné. On sait d'un roi d'Espagne dont la première femme était rousse qu'il trouvait que sa seconde, brune, n'était point femme. Nos jugements sur la beauté ont toujours ce caractère universel et impersonnel.
Le plus complet abandon règne dans l'amour, j'y reviens parce que tous les jours j'entend affirmer le contraire et répéter que l'amour est un échange intense de sensations, de sentiments, que sais-je ? On peut échanger n'importe quoi.
La charmante activité qu'on y rencontre n'est en réalité que l'activité la plus superficielle. Ce qui permet l'emportement de l'amour, c'est avant tout une sécurité, une communication de plein-pied, et l'absence des inquiétudes qu'on lui décrit. La forme la plus courante de ce laisser-aller est cette logorrhée qui effraie tant les délicats. J'avoue qu'elle peut parfois m'importuner, mais le plus souvent elle me berce, elle m'entraîne. C'est une ivresse très singulière, une sorte de disqualification
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de l'esprit qui s'y abandonne, une prostitution de l'attention. Les mots de la femme bavarde font une nuit dans ma cervelle. Nous y trouvons tous les deux notre compte : l'impression qu'il est quatre heures du matin à n'importe quel instant du jour. C'est déjà un résultat. Perdre pied tous les deux en même temps, voilà l'essentiel. Cela n'est pas si difficile qu'on voudrait nous le faire croire."
C'est ainsi qu'en 1852 un épicier de Bordeaux "Membre de l'Académie agricole, manufacturière et commerciale pour le perfectionnement des chocolats, moutardes et pâtes" avait dû faire amende honorable pour avoir laissé mentionner sur ses factures "Exposition Universelle de Londres, 1851", alors qu'en réalité il n'y avait pas participé ; et, à quelque temps de là, un marchand de billards qui avait fait usage d'une distinction honorifique de pure fantaisie avait connu même mésaventure. Par contre, il ne semble pas que des éditeurs d'hier se soient trouvés mêlés à des instances de ce genre.
BERNARD FAY
"Une revue qui porte autant d'intérêt à tous les phénomènes de la vie intellectuelle que Littérature, ne peut manquer de renseigner ses lecteurs sur la campagne présidentielle aux Etats-Unis. Les candidats étant l'un et l'autre illettrés ont eu à prononcer une cinquantaine de discours par jour auxquels venaient s'ajouter quelques accidents de chemin de fer et la plantation d'arbres naturels. Du reste la longue pratique du journalisme les avait préparés. Le public a approuvé leurs vues bien qu'elles aient d'ordinaire paru trop claires et trop originales aux connaisseurs. Le sénateur Harding avait coutume de parler aux délégations enthousiastes du porche de sa maison. Le
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Révérend Docteur George Mathasias Roorke ayant remarqué dans son sermon du Dimanche 22 Septembre à la première Eglise Presbytérienne de Long Beach que ç'avait précisément été là l'usage de l'Apôtre Paul-Inspiré de l'Esprit-Saint, les paris à Wallstreet montèrent jusqu'à 6 pour un en faveur du candidat Républicain.
D'une façon générale, l'opinion publique n'a été troublée que par le terrible scandale du baseball, et l'accident survenu à la poule de Corpus-Christi (Texas) qui s'est trouvée mal en s'apercevant qu'elle venait de couver 8 œufs d'Alligator. On l'a portée à la clinique de Corpus-Christi (Texas) où elle demeure dans un état de prostration nerveuse dont on s'inquiète.
New-York, 5-10-20."
MORTS
L'usage imprudent d'enterrer promptement les morts, a causé souvent des catastrophes funestes, et beaucoup de malheureux ont été ensevelis vivants par ce défaut de précaution. A Veymar (Suisse), une coutume sage prévient ces horribles accidents. Lorsqu'un mort est sur le point d'être mis dans le linceul, on le dépose sur un lit, dans une salle destinée à cet usage ; on lui met à la main une sonnette, et on le laisse ainsi quelques jours avant de l'inhumer.
LA SUITE A LA GÉNÉRATION SUIVANTE
CLÉMENT PANSAERS.
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NOS LECTEURS, auxquels nous avions annoncé d'extraordinaires surprises, jugeront si nous avons tenu parole, en lisant ce numéro qui - avec sa formule tout-à-fait neuve - fait vraiment de LITTÉRATURE la “ NOUVEAUTÉ ” tant attendue depuis la guerre.
Nos abonnés recevront à l'avenir, sans supplément de prix, une fois par mois, le 1er, ces élégantes plaquettes. A nos lecteurs nous nous permettons de donner un conseil : qu'ils s'abonnent, d'abord pour faire une économie, ensuite pour être sûrs d'avoir ces numéros vraiment sensationnels qui seront enlevés en quelques heures.
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NUMÉRO DE NOEL
de LITTÉRATURE. Au sommaire, les noms les plus célèbres de notre époque.
PROCHAINEMENT
Un article de Raymond Roussel, l'auteur d'Impressions d'Afrique. - Des propos de Jacques Rigaut sur l'argent. - Un inédit d'Isidore Ducasse (comte de Lautréamont).
Ma candidature aux prochaines élections, par André Breton.
Un récit mystérieux de Tristan Tzara.
Des révélations capitales sur le pétrole, par Léon Dancongnée. L'esthétique du roman-feuilleton, selon Jules Mary.
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Paraîtra en janvier 1921 :
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