Pulchérie veut une auto
Pulchérie est bonne d’enfants. Elle admire les autos et sa grande joie est de voyager en taxi. Quand elle promène les enfants confiés à sa garde, elle bâille d’admiration devant les belles autos qui défilent dans l’avenue des Champs-Élysées.
Dans sa chambre, elle rêve d’un beau jeune homme qui aurait une luxueuse automobile. Un jour qu’elle promène les enfants de ses patrons, elle fait la connaissance d’un jeune homme, Glouglou, qui lui dit avoir une auto, et lui propose de l’emmener faire une promenade. Elle accepte. Glouglou revient peu après pour la prendre. Elle laisse les enfants à la garde d’une vieille dame qui lui paraît respectable. La voiture de Glouglou est une vieille guimbarde qui a des ratés continuels, et fait des bonds à chaque fois qu’elle avance de quelques mètres. Les occupants de la voiture sont terriblement secoués à chaque pas. Un coup de vent emporte le chapeau de Pulchérie, qui passe devant la voiture. Glouglou se précipite. Un coup de vent emporte le chapeau un peu plus loin. La voiture capricieuse, part à toute vitesse, Pulchérie au volant, et écrase Glouglou. La voiture revient en arrière et écrase plusieurs fois Glouglou. Glouglou se relève et court après l’auto qui file de plus en plus vite. A un détour de la route, la voiture tamponne une autre auto. Sous le choc, Pulchérie est projetée dans l’auto que sa voiture a tamponnée pendant que l’occupant de celle-ci est projeté dans l’auto de Pulchérie. Les autos poursuivent leur chemin. Glouglou qui accourt pour retrouver Pulchérie est de nouveau écrasé à plusieurs reprises comme précédemment. Pulchérie continue son chemin. Elle donne un trop brusque coup de volant et s’en va dans un champ où paissent des vaches et des taureaux. Ces animaux sont la terreur de Pulchérie. Un taureau fonce droit sur l’auto et d’un coup de corne l’envoie à l’autre extrémité du champ où un autre taureau la renvoie au premier. Ce manège recommence cinq ou six fois. A la fin, un troisième taureau la prend en écharpe et l’envoie dans un étang. Pulchérie en sort couverte de vase. Elle a avalé beaucoup d’eau. Elle vomit un liquide noirâtre plein de grenouilles. Elle enlève les pattes des grenouilles qu’elle met dans son mouchoir et se rejette à l’eau pour repêcher de nouvelles grenouilles auxquelles elle enlève les pattes. Elle se dispose à s’en aller, son mouchoir à la main, quand elle rencontre Glouglou, qui accourt tout essoufflé, suant et poussiéreux. Il la cherche et est heureux de la retrouver. Pulchérie est furieuse et le gifle. Glouglou tourne sur lui-même et tombe dans le fossé qui borde la route. Il se relève couvert de boue. Ils s’en vont, chacun de leur côté, et détournant la tête à chaque pas, tristement.
La vieille dame, aussitôt après le départ de Pulchérie, emmène les enfants et téléphone aux parents en leur disant de lui envoyer un million, faute de quoi, les enfants seraient mis à mort. Les parents refusent et avertissent la police.
Pulchérie revient, cherche les enfants. Disparus ! et la vieille dame également. Elle cherche de tous côtés et, la nuit venue, sous la neige, qui s’entasse sur sa tête et y forme un cône ; rentre chez ses patrons auxquels elle raconte tout. On la chasse. Elle se promet de retrouver les enfants. Elle rencontre Glouglou et lui narre toute l’histoire. Glouglou est désespéré et jure de l’aider.
Glouglou a une idée : il ira dans toutes les maisons de la ville et dans tous les appartements des maisons pour retrouver les enfants. Pour le guider, Pulchérie lui donne la photographie des enfants.
Dans la première maison où il sonne une vieille dame vient lui ouvrir tenant sous son bras un affreux roquet. Glouglou regarde alternativement le roquet et la photographie. En voyant Glouglou, le chien aboie furieusement, et la vieille dame essaie de le consoler sans s’inquiéter de Glouglou. Un autre chien sort de la maison, se glisse sous les jupes de la vieille dame. La vieille dame veut l’attraper. Glouglou aussi. Le chien va dans la rue, mais il court plus vite que Glouglou. Pour l’arrêter, Glouglou prend un sac de charbon sur le dos d’un charbonnier et le jette sur le chien. Le chien est aplati comme une galette. Il remue encore un peu la langue. La vieille dame est furieuse et pleure. Glouglou n’a pas oublié le but de sa visite et lui demande si elle n’a pas vu deux enfants. Elle regarde Glouglou et la photo, et le prenant pour un fou, se sauve en oubliant l’autre chien qui, en courant après elle, tombe dans une bouche d’égout. Glouglou remonte dans la maison et frappe à une autre porte. C’est un boxeur prêt à monter sur le ring qui vient lui ouvrir. Sa photo en mains, il regarde le boxeur et la photo. Le boxeur qui attendait un entraîneur, croit avoir affaire à lui. Il saisit Glouglou par les cheveux et le tient à bout de bras. Glouglou se débat. Le boxeur lui donne un coup de poing. La tête de Glouglou oscille comme un pendule et son visage paraît de plus en plus abruti. Un autre coup de poing et il est knock-out. Le boxeur le prend comme un paquet et le jette dans l’escalier. Glouglou roule jusqu’en bas et tombe la tête la première dans une boîte à ordures. Quand il revient à lui, il a la tête dans la boîte à ordures. Il s’aperçoit qu’il a un œil poché et le nez sanguinolent. Glouglou change de maison. C’est à une villa qu’il sonne. Un singe vient lui ouvrir. Glouglou recule effrayé, regarde sa photo et le singe, et entre en rasant les murs. Personne… Il crie : « Patron ! Patron !… » Un perroquet répète ses paroles et vient voler autour de lui. Il se décide à explorer la maison. Il ouvre une porte. C’est une chambre à coucher dans laquelle se trouvent deux crocodiles, l’un sur le lit, l’autre sous une table. Il s’enfuit effrayé. Il ouvre une autre porte. Voici une salle à manger, où se trouve un chameau. Dans le salon, il y a un mouton. Dans la cuisine, une autruche qui lui prend son chapeau. Il monte les escaliers. Il s’appuie à la rampe. La rampe est un serpent dont la tête vient frôler la sienne. Glouglou est de plus en plus effrayé. Arrivé au premier étage, Glouglou qui regarde en l’air, tombe dans un aquarium. Un crabe saisit son orteil, et Glouglou ne peut arriver à s’en débarrasser. Il caresse le crabe pour l’amadouer. Le crabe serre toujours plus fort. Glouglou sort un minuscule petit vaporisateur de sa poche et parfume le crabe. Le crabe serre toujours. Il est obligé de verser sur le crabe le contenu d’un flacon de chloroforme. Le crabe s’endort et desserre son étreinte. Mais Glouglou s’endort aussi dans l’eau. Quand il se réveille, des vers à soie ont fait leur cocon dans ses cheveux. Glouglou s’en débarrasse avec beaucoup de peine. Glouglou s’en va. Enfin après avoir pénétré dans 3 478 maisons, il arrive harassé, se traînant sur les genoux, à celle où les enfants sont prisonniers.
Pendant ce temps, les parents ont lancé de multiples policiers à la recherche des enfants et ont promis une forte prime. Chaque jour, des gens qui ont vu l’annonce de la prime les conduisent dans des endroits différents. Un jour à la Morgue, le lendemain chez des saltimbanques, d’où ils reviennent galeux. Un autre jour, on les conduit dans une gabare où deux enfants inconnus s’étaient réfugiés. Ils tombent dans une soute à charbon d’où ils sortent dans un état minable. Chaque jour ils reçoivent une oreille, un nez, une dent, un orteil, qu’on leur dit appartenir à leurs enfants. Ils sont désespérés.
Dans ses recherches, Glouglou a acquis de l’expérience. Il sait qu’il ne faut pas entrer par la porte pour avoir les renseignements que l’on désire. Il veut grimper par la gouttière sur le toit de la maison. Arrivé à mi-chemin, la gouttière se détache et Glouglou se balance dans le vide. Il continue néanmoins à grimper, mais son poids l’entraîne de plus en plus en arrière. Arrivé à l’extrémité de la gouttière, il est très éloigné du mur. Passe un fiacre. Glouglou fait des mouvements désordonnés pour atteindre le toit. A un moment donné, la gouttière touche la tête du cocher. Le choc le renvoie au but, il s’agrippe au toit. La gouttière revient en arrière, frappe les brancards du fiacre et les brise. Le cheval part seul. Le cocher est furieux, le voyageur aussi et il rosse le cocher. Glouglou voulait descendre par la cheminée, mais il y en a une quinzaine. Laquelle est la bonne ? Glouglou met la tête à l’orifice de chaque cheminée. Dans l’une d’elles se trouve un ramoneur qui fait sortir un jet de suie. Glouglou est aussi noir que le ramoneur, dont la tête apparaît hors de la cheminée. A la fin, Glouglou tire à la courte-paille la cheminée par laquelle il doit descendre. Celle qui est désignée par le sort est si étroite que Glouglou, arrivé en bas, est démesurément allongé. Il est dans une cave obscure et basse, il est obligé de marcher très courbé. Il sort de la cave, pénètre dans une autre cave vide dont le sol est couvert d’une couche de boue qui arrive jusqu’à ses genoux. La cave est très haute mais, habitué déjà à marcher courbé, il a beaucoup de peine à se redresser. Il aperçoit le jour au loin, au-dessus de sa tête et veut sortir. Il est obligé de grimper au mur en s’aidant des aspérités. Il tombe deux ou trois fois et quand, sortant par une bouche d’égout, il arrive à la lumière, il est tout étonné de se trouver dans la rue, juste en face de la maison où il voulait pénétrer. Il aperçoit la porte de la maison entrouverte. Il entre. Aussitôt retentit une sonnerie. Pandanleuil accourt. Glouglou se cache derrière une tenture. Glouglou veut voir l’homme et tire la tenture. Elle tombe et les couvre tous deux. Glouglou se dégage, saute de joie, et heurte une corniche de la tête. Il tombe. Pandanleuil revient à lui et ligote Glouglou puis il le met dans un poêle gigantesque. Glouglou revient à lui. Pandanleuil fait du feu dans le poêle. Glouglou est désespéré et se voit perdu. Il pleure si abondamment qu’il éteint le feu. Après avoir allumé le feu, Pandanleuil part en se frottant les mains. Glouglou, à l’aide de ses dents, défait ses liens et sort du poêle. Il est de plus en plus sale. Il a très faim et mange les glands de la tenture. Rassasié, il se dirige vers l’escalier. Il y a une épaisse couche de poussière dans l’escalier. Pour ne pas qu’on voit la trace de ses pieds sur la poussière, il monte l’escalier sur les mains. Au premier étage il veut se redresser et renverse une potiche qui se brise. Une porte s’ouvre et la mère Volauvent apparaît. Il aperçoit par l’entrebâillement de la porte une main d’enfant et ne doute pas de se trouver dans la maison où les enfants sont prisonniers. La vieille femme regarde en l’air. Glouglou en profite pour se glisser sous ses jupes. Il la soulève sur ses épaules, la jette dans l’escalier et pénètre dans la chambre, par la porte entrouverte. La vieille tombe dans l’escalier, rebondit de marche en marche, comme si elle était en caoutchouc et tombe la tête la première dans le poêle. Glouglou s’empare des deux enfants et s’apprête à s’enfuir, quand Pandanleuil surgit d’une armoire, un énorme gourdin à la main et l’assomme. Il enferme les deux enfants dans l’armoire, sort de la chambre, et la ferme à clef. Quand Glouglou revient à lui, la chambre est pleine de fumée et les enfants ont tellement pleuré qu’il y a un long filet d’eau qui sort de l’armoire, traverse la pièce et glisse sous la porte. Au feu ! Glouglou défonce tous les meubles avant de s’apercevoir que les enfants sont dans l’armoire. Il en prend un sous chaque bras et s’apprête à sortir. La porte est fermée à clef. Le plafond s’effondre. Pandanleuil surgit des décombres, un gourdin à la main. Après une lutte, Glouglou le tue avec un panneau de l’armoire. Glouglou veut se servir du panneau de l’armoire pour défoncer la porte. Il le tient si maladroitement qu’il s’en frappe la tête et se fait une bosse énorme sur le sommet du crâne. Les enfants pleurent de plus en plus. L’eau monte dans la pièce. Glouglou en a jusqu’aux chevilles et des débris de bois commencent à flotter. Glouglou tient alors le panneau sous son bras, mais lorsqu’il frappe la porte, la planche glisse et il se frappe la tête contre la porte. Nouvelle bosse sur le front. Il finit par défoncer la porte à coups de pieds, non sans s’être blessé aux genoux et avoir déchiré son pantalon. Son pied est pris dans le panneau de la porte. Après de longs efforts, il finit par se dégager et va tomber sur Pandanleuil. Sous l’influence de la chaleur, le ventre de celui-ci s’est gonflé, et lorsque Glouglou tombe dessus il éclate. Les intestins sortent. Glouglou prend les enfants et s’apprête à sortir par l’escalier ayant sous chaque bras un des enfants qui pleurent toujours. L’escalier est en flammes. Il revient précipitamment. Il entend les pompiers qui accourent. Arriveront-ils à temps ? Glouglou est désespéré. Il cherche un moyen d’échapper à la mort et regarde de tous côtés. Tout à coup il aperçoit les intestins de Pandanleuil. Il les déroule.
Il y en a des mètres et des mètres et ils sont extensibles comme du caoutchouc. Glouglou accroche une des extrémités de l’intestin au balcon et un des enfants à l’autre bout et le descend avec précaution, mais une flamme lui brûle les mains. Il lâche tout. L’enfant tombe et s’enfonce dans le sol. Seule sa tête en émerge. Deux hommes se mettent à tirer l’enfant par la tête. Ils arrachent la tête et tombent à la renverse. Morceaux par morceaux, ils l’extraient, puis avec de la seccotine ils le recollent. L’enfant se sauve à toutes jambes mais est rattrapé par un agent qui, dans sa précipitation, perd son képi, sa pèlerine et son bâton blanc. L’intestin remonte. Glouglou attache l’autre enfant et veut le descendre. Les pompiers sont arrivés et les lances fonctionnent. Il laisse glisser l’enfant qui est happé par le jet d’une lance et oscille dans le jet d’eau à la façon des œufs dans les tirs forains. Il faut qu’un autre pompier grimpe à la lance et, mettant la main sur l’orifice, arrête le jet d’eau pour que l’enfant atteigne le sol. Glouglou saisit à son tour l’intestin, mais comme il est lourd, il descend brusquement de plusieurs mètres et se balance verticalement. Puis à mi-chemin du sol, l’intestin se rompt entre ses deux bras tendus. Il reste suspendu par une main, ayant dans l’autre le reste de l’intestin. D’en bas, on tire sur l’intestin et le corps de Glouglou se fend en deux. Une partie tombe à terre pendant que l’autre reste suspendue à l’intestin. A l’aide d’un sécateur semblable à ceux dont se servent les jardiniers pour, étant à terre, couper les hautes branches d’un arbre, un pompier coupe l’intestin, pendant que l’autre saisit la moitié du corps de Glouglou, comme les bouchers décrochent un quartier de viande. On réunit les deux parties et on les fixe ensemble à l’aide de clous gigantesques qui dépassent de l’autre côté de son corps. Glouglou qui vient de revenir à lui les coupe avec son canif. Puis il arrache les clous qu’il casse et suce comme des bonbons. Il s’en va accompagné des deux enfants qu’il ramène à leurs parents. Joie des parents. Sourire de Glouglou. On lui offre de choisir sa récompense. Il veut une auto. L’ayant, il va trouver Pulchérie, l’embrasse et l’emmène.