MÉLUSINE

Le Surréalisme et la science, notice

EDITIONSPUBLICATIONS DIVERSES

« Le surréalisme et la science », préface à : Salvador Dali à la croisée des savoirs, A. Ruffa, Ph. Kaenel, D. Chaperon (éd.), Paris, Desjonquères, 2007, p. 15-25.

Je ne suis pas le seul à le dire : Salvador Dali était autrement plus sérieux que ne le laissaient entendre ses facéties ! Outre ses tableaux, il a nourri le surréalisme de ses diverses spéculations, et ce n’est pas par hasard qu’il a collaboré à L’Immaculée Conception d’Eluard et Breton. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles j’ai tenu à éditer le manuscrit de son Journal dans la Bibliothèque Mélusine (voir plus bas). J’ai aussi soutenu l’organisation d’un colloque le concernant à Cerisy-La-Salle (cf. : Dali. Sur les traces d'Eros (2007) où j’ai donné une conférence « Scatodali : de la scatologie à l’eschatologie », dans Salvador Dali sur les traces d’éros, actes du colloque international de Cerisy, Notari, Genève, 2010, p. 82-93 (à lire sur cette même page). À cette rencontre participaient les auteurs du volume Salvador Dali à la croisée des savoirs, qui m’ont demandé la préface que l’on pourra lire ci-après. Elle coïncide avec la publication du volume XXVII de la revue Mélusine traitant du surréalisme et la science.

Le recueil publié par les éditions Desjonquères : Salvador Dalí à la croisée des savoirs, Ouvrage sous la direction de A. Ruffa, Ph. Kaenel et D. Chaperon, Hors collection, 2007.

Présentation : Si l’excentricité avec laquelle Salvador Dalí s’est mis publiquement en scène a contribué à sa réputation internationale, elle lui a aussi nui en masquant la profondeur de ses vues et l’originalité de son imaginaire comme de sa production. Parmi les hommes les mieux informés de son temps, Dalí fait preuve d’un esprit créatif, puisant sans cesse dans les connaissances et les découvertes de son époque. Cette singularité d’une œuvre qui s’enracine dans une multitude de savoirs est étudiée à la lumière des écrits de l’artiste qui, par-delà ses intérêts picturaux, photographiques ou cinématographiques, traduisent sa fascination pour l’optique, les mathématiques ou la physique nucléaire. Quelques-uns des meilleurs spécialistes de l’œuvre du maître catalan ont contribué à cette publication, à la suite du centenaire de la naissance de celui qui reste, dans la mémoire du XXe siècle, comme l’artiste surréaliste par excellence dont l’œuvre transgresse sans cesse les frontières entre le rêve et la science.

couverture de la revue mélusine n°27

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Présentation : L'histoire qu'on lira dans le présent dossier commence par la rencontre au Val-de-Grâce, autour d'une table à dissection, de deux étudiants en médecine, poètes à leurs heures. Le surréalisme n'aurait pas pris l'orientation que nous lui connaissons, notamment dans ses rapports avec la science, si deux de ses principaux animateurs, Aragon et Breton, n'avaient pas eux-mêmes pratiqué la médecine en temps de guerre et, parce qu'ils avaient une complexion de poètes, n'en étaient ressortis avec d'intenses frustrations.De là leur enthousiasme non dissimulé pour Dada qui avait le mérite, à leurs yeux, de balayer tous les principes ayant conduit à ces ruines ambiantes. Ils approuvent absolument le dédain qu'exprime Tristan Tzara envers l'esprit scientifique dans son Manifeste Dada 1918 : " La science me répugne dès qu'elle devient spéculative-système, perd son caractère d'utilité - tellement inutile - mais au moins individuel." Dégagé de ses langes, le surréalisme continue d'affirmer le même mépris pour une civilisation qui n'a pas su prévenir un tel désastre intellectuel et humain. A son habitude, Aragon surenchérit au cours d'une conférence madrilène : " Je maudis la science, cette sœur jumelle du travail. " Il faut dire, à sa décharge, qu'il avait été dépassé, et de loin, par Antonin Artaud dans sa Lettre aux Médecins-Chefs des Asiles de Fous. Cette attitude offensive, visant les pouvoirs d'établissement, comme aurait dit Pascal, et particulièrement les forces positivistes, était sans doute nécessaire au sortir du carnage. Il fallait absolument redonner au rêve, à l'imagination, à la pensée analogique même, la place qu'on leur avait confisquée. C'est ainsi que Breton fera état, dans le Second Manifeste du surréalisme, d'une prédiction du Commandant Choisnard selon laquelle une conjonction d'Uranus et de Saturne, serait susceptible d'engendrer une " une école nouvelle en fait de science ". Or, précise-t-il, cette conjonction caractérise le ciel de naissance d'Aragon, d'Éluard et le sien.

couverture de la revue mélusine n°27

La vie secrète de Salvador Dali: suis-je un génie? : édition critique des manuscrits originaux de La vie secrète de Salvador Dalii, L'AGE D'HOMME, 2006, 739 pages.

La Vie secrète de Salvador Dali, par Salvador Dali, originellement écrite en français, est publiée ici pour la première fois. Le titre, avec sa signature, est redondant. Il précise une chose importante : le texte que nous donnons à lire fut écrit par Salvador Dali lui-même. Précision nécessaire puisque le texte publié jusqu'à ce jour, en quelque langue que ce soit, n'est pas de lui. La première publication, américaine, est une traduction signée Haakon Chevalier. Elle fut réalisée à partir de la réécriture du texte par Gala, l'épouse du peintre. Le texte français connu est une adaptation de Michel Déon effectuée à partir de la traduction de cet ouvrage de seconde main. Une traduction de traduction du texte de Gala, donc. Le texte espagnol est de même nature. C'est en cela que réside la nature secrète de ce texte. Moins par ce que l'ouvrage révèle - pseudo-confessions publiées à des milliers d'exemplaires et reproduites sans cesse dans les catalogues de ses œuvres qui en recyclent à l'ennui les interprétations - que par la façon dont il se tint en réserve. En autorisant les versions multiples et différentes du texte original, Salvador Dali mit, de son vivant, son texte au secret. Il le plaça dans un dispositif de reflets et de doubles images, il l'entoura de simulacres, conformément à son esthétique de peintre et à sa célèbre méthode paranoïaque-critique. Un texte violent apparaît. Une langue à rebours de la technique soignée, lissée, vernissée du peintre, et qui annonce les grandes éclaboussures d'encre et de peinture, dramatisées lors de maints happenings dans les années cinquante. L'irrespect à l'égard de la sacro-sainte orthographe française la défait de son carcan et nous la livre dans une matérialité à jouir et pleine de sens. Le texte est touffu, sensuel, insaisissable, changeant, telle la moire que Dali aimait tant. Il est traversé d'une formidable force, dans la pulsion de ses rêveries reprises avec plaisir, et dans sa vigueur comique. De l'autre côté du miroir, il est un texte d'écrivain méconnu. Le peintre s'y montre affublé d'histoires ; l'écrivain, lui, n'est vêtu que de sa seule langue, mais quelle langue ! Qu'on en juge !